Affaire Benalla, perquisition chez Mediapart : retour sur le principe de protection des sources journalistiques

Ce lundi 4 février un peu après 11h, une équipe composée de deux procureurs ainsi que de trois policiers a tenté une perquisition aux locaux de Mediapart dans le 12ème arrondissement de Paris. Cette visite domiciliaire a été motivée par l’ouverture d’une enquête par le Parquet de Paris. Ainsi, en vertu de l’article 226-2 du Code Pénal qui empêche l’enregistrement d’autrui à son insu, Mediapart est accusé d’atteinte à la vie privée de l’ancien conseiller d’Emmanuel Macron. Cette perquisition survient après la diffusion par le journal d’information le 31 janvier dernier d’enregistrements d’une conversation entre Alexandre Benalla et le gendarme Vincent Crase. Échange datant, selon le journal, du 26 juillet dernier, soit quelques jours après leurs mises en examen respectives.

Fabrice Arfi, co-responsable du pole enquête de Mediapart et présent sur place le lundi 4, a pu refuser cette perquisition, cette dernière n’étant pas accompagnée d’un mandat d’un juge des libertés et de la détention.

Lundi 4 dans l’après-midi, lors d’une conférence de presse organisée par le site d’investigation, Edwy Plenel, créateur de Mediapart, a dénoncé une « manœuvre liberticide » visant à discréditer le principe de respect du secret des sources dans le cadre journalistique. « La liberté de la presse n’est soumise à aucune condition, même celle du pouvoir exécutif. Elle est une liberté fondamentale dont le libre exercice est protégée par une justice indépendante ».

La première question qui se pose ici est de savoir si l’on peut refuser une perquisition ainsi. Tout d’abord, pour Edwy Plenel, Mediapart n’a en aucun cas transgressé les règles, ni porté atteinte à la vie privée de personne, le journal n’ayant fait que révéler des faits d’intérêt public. Ces enregistrements mettent en lumière de nouvelles irrégularités liées à l’affaire Benalla, comme la violation du contrôle judiciaire de Vincent Crase et Benalla, qui se sont rencontrés après leur mise en examen. En effet, la question que posent ce enregistrements n’est pas autour de ce qu’ils contiennent mais plutôt autour de leur existence même. Comment est-il possible que deux proches d’Emmanuel Macron aient pu être non seulement écoutés mais également enregistrés et ce à leur insu ? Ce sont les questions que se pose le Parquet de Paris, et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il estime essentiel de mettre la main sur ces enregistrements, et d’en connaître la provenance. Du côté de la justice, la tentative de perquisition intervient notamment de la volonté de mettre en lumière ou tout du moins de comprendre les circonstances de la captation des enregistrements.

Comme le soulignait Fabrice Arfi ce mardi matin sur France Inter, Mediapart a toujours dans des cas similaires transmis les informations demandées par les enquêteurs, dans le cas où ces dernières étaient déjà publiques. En revanche, le site d’information ne se positionne pas en tant qu’informateur de la police. De ce fait, il ne fournit en aucun cas d’informations supplémentaires aux forces de l’ordre, ne serait-ce que pour préserver l’anonymat des sources. Fabrice Arfi a en effet fortement insisté lors de la conférence de presse du 4 février sur la dimension nécessaire de la protection du secret des sources pour le milieu journalistique, « Ici, c’est un sanctuaire, pour que l’on puisse continuer à révéler des informations et protéger des sources. »

La protection des sources d’information des journalistes, c’est, comme le définit la Cour Européenne des Droits de l’Homme depuis 1996, « l’une des pierres angulaires de la liberté de la presse ». C’est en d’autres termes ce qui permet aux journalistes de s’assurer de la véracité des faits, grâce à l’intervention d’un témoin ou d’un détenteur d’information sans pour autant en dévoiler l’identité. Cela permet ainsi de maintenir la liberté de parole de ceux qui désirent parler, sans pour autant les mettre en danger en divulguant leur identité publiquement.

On peut bien entendu se demander alors si toute parole a la même valeur, si les propos priment toujours sur la personne qui les exprime. En ce sens, est-ce dévoiler une vérité partielle que de ne pas divulguer la source d’une information, qui plus est lorsque celle-ci prend des airs d’affaire d’Etat et est donc considérée d’utilité publique ?

En réponse à cette perquisition surprise, de nombreux médias nationaux ont publié ce mardi 5 février un communiqué témoignant de leur soutien au site d’information Mediapart et de leurs inquiétudes face à une telle violation du principe de protection des sources journalistiques par les forces de l’ordre. Une chose est sûre, si lundi, Mediapart a pu éviter la perquisition car cette dernière n’était pas accompagnée d’un mandat, la justice peut tout de même en temps et en ordre en faire la demande, qui sera alors contraignante et coercitive, et de ce fait rentrer par la force et la contrainte.

Cette affaire opposant Alexandre Benalla à Mediapart soulève une ainsi question très débattue, celle de la limite de la liberté d’informer. En effet, si limite il existe, où doit-on alors la placer ?

Adé Malavaud