Barcelone-Madrid, bien plus qu’un match

Soy español! Jo sòc català! Juridiquement, ce sont deux espagnols qui parlent ici. Sentimentalement, c’est bien plus compliqué. L’un clame son amour de l’Espagne l’autre revendique son attachement à la Catalogne. Durant 432 heures, l’Espagne va s’arrêter et retenir son souffle. Le Real Madrid et le FC Barcelone vont s’affronter quatre fois entre le 16 avril et le 3 mai. Si « la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens », le classico est la continuation par le sport de l’opposition entre la Catalogne et Madrid. Du football à Clausewitz, il n’y a qu’un pas et nous le franchissons sans hésiter.

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Les 162ème, 163ème, 164ème et 165ème classicos promettent un spectacle inédit. Le premier de ce quatuor s’est joué hier et s’est soldé par un match nul 1-1, assez décevant pour être honnête. Les Blaugranas sont en tête de la Liga espagnole avec 85 points, et la Casa Blanca est deuxième avec 77 points. Le deuxième, mercredi 20 avril, est la finale de la Coupe du Roi. Et les deux derniers sont des matchs de coupe d’Europe. Hasard du calendrier de la Ligue des Champions, Barcelone et Madrid vont s’affronter deux fois lors des demi-finales. Est-il besoin d’ajouter que ces quatre rencontres sont toutes sportivement décisives ?

Les chiffres d’audiences confirment le contexte qui entoure ce match. En novembre dernier, 400 millions d’humains vibraient – ou pleuraient – devant l’écrasante victoire 5-0 de Barcelone. A titre de comparaison, la finale de la Coupe du Monde l’été dernier avait rassemblé 700 millions de personnes et le dernier match entre Paris et Marseille a été vu par 2,3 millions de téléspectateurs – arrondissons à 3 millions pour paraître moins ridicules. Mais que les plus candides d’entre vous ne se laissent pas berner par le plagiat du terme classico pour évoquer un PSG-OM. Si Paris-Marseille est l’occasion d’un duel au sommet entre Hoarau et Brandao, Barcelone-Madrid voit s’affronter Messi et Ronaldo, les deux meilleurs joueurs du monde. Tiens, je viens de me rendre compte qu’il y avait aussi des matchs de Ligue 1 française ce week-end. Peu importe, durant ces matchs je suis espagnol – ou catalan, mais je ne prendrais par le risque de faire mon choix publiquement.

Durant ces trois folles semaines, chacun des matchs sera le théâtre d’une bataille entre deux régions, deux langues, deux cultures – et deux peuples diront certains. Toute la tension et l’émotion que porte en elle cette rivalité s’exprime sur le terrain et tout devient une question d’honneur. La poussette de Ronaldo sur l’entraineur barcelonais lors du match de novembre eu assurément la même gravité que le soufflet reçu par Don Diègue dans le Cid. Le maillot est sacré, le stade est un temple, les chants sont des prières, et le classico est une guerre de religions.

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Au-delà des symboles, du poids de l’histoire et de l’enjeu sportif, le facteur économique n’est pas absent de ces rencontres. J’en veux pour preuve que même Canal+ s’est mis au diapason et propose à ses abonnés français une programmation spéciale. Exit le film du samedi soir, place à une émission sur les origines et l’histoire du classico, suivie d’un débat et du match tant attendu à 22 heures. Cette mise en avant est notamment liée, en France et ailleurs, aux annonceurs pour qui le match entre les deux capitales espagnoles est une pépite évidente. Gageons que les sites de paris en ligne ne seront pas en reste et enregistreront des records de participation. Dernier exemple en date, et non des moindres: c’est lors du match d’hier soir que Cristiano Ronaldo a arboré la toute nouvelle paire de Nike, la Mercurial Vapor Superfly III. Roulement de tambours. Le nom est ronflant. Et ce sont potentiellement 400 millions de personnes qui ont vu Ronaldo courir et dribbler avec cette paire. Quelqu’un doute-t-il encore de l’enjeu économique ?

Arrêtons de parler euros au risque de fâcher les amoureux du sport. Un classico est un match à part. Quatre classicos en trois semaines relève de l’exceptionnel. Point. Aux sceptiques je n’ai qu’une chose à dire: réservez-vous une soirée, trouvez un bar et allez voir un de ces matchs. Ce ne sont plus de simples sportifs qui tapent dans un ballon, mais bel et bien des artistes portés par un peuple, ou deux.

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