Christiane Taubira à Sciences Po

« Je suis en train de vous gronder là. L’avenir de la France est entre vos mains. » C’est sur ce ton que Christiane Taubira, Garde des Sceaux, a parlé vendredi soir en Boutmy lors d’un débat organisé par Terra Nova, think tank de Sciences Po. Il portait sur la réforme pénale tant débattue…

Trois contrôles de pièce d’identité, de places, de carte étudiante plus tard les colosses à l’entrée de Sciences Po s’écartaient pour laisser passer les heureux VIP. Il est à déplorer qu’une partie des fervents admirateurs de notre ministre s’est vu refuser l’accès à la salle… LaPéniche revient pour vous sur cet événement.

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Parenthèse dans ce contexte difficile, Christiane Taubira est arrivée dans un amphi Boutmy bondé, sous un tonnerre d’applaudissements.

  • Un amour : les jeunes

C’est un discours qui commence par nous toucher, nous. Un « idéalisme immense », un « pragmatisme un peu raide », teintés « d’inattendu » et vous avez le public de jeunes que la ministre prend plaisir à rencontrer. « C’est vous la force dynamique. C’est vous qui pouvez transformer ce monde. »

La formule à retenir c’est la « générosité du cœur mais l’exigence de l’esprit ». Et finalement, on se retrouve dans ces paroles teintées de douceur : « vous n’êtes pas encore pétris de préjugés, aigris d’amertume ». La ministre insiste sur l’importance de cette nouvelle génération qui n’est pas repliée sur elle même, qui est consciente d’appartenir à un ensemble européen et qui a compris cette capacité à « agir et à peser sur le monde ».

 

  • Une rétrospective sévère

« Au final, ils passent leur temps à faire leur propre bilan ». Tacle. Christiane Taubira explique, non sans gravité, que la situation pénitencière actuelle tant décriée par la droite dépend des textes et de la politique pénale instaurés sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Elle dénonce ainsi les critiques de personnes qui portent en eux « la responsabilité au sens de responsabilité d’Etat de ces lois ».

Le constat ? C’est l’inflation pénale et législative, manifestation de « l’irresponsabilité politique » suite au dernier quinquennat. Plus d’une centaine de lois ont modifié le code pénal. « Il est important que nous écrivions les lois avec sérieux ».  Selon Madame Taubira, la loi doit être écrite avec de grandes précautions pour éviter d’être modifiée. C’est une règle qui s’imposera à tous.

 

  • Un plaidoyer « philosophique et pragmatique » pour la réforme pénale

L’Europe. Un espace « promoteur de libertés individuelles », « de liberté, de justice et de sécurité ». Selon Christiane Taubira, l’Europe représente l’avenir. Et l’Europe a été créée dans le respect des droits civiques. C’est pourquoi, notre ministre défend d’abord des conditions d’incarcération qui ne bafoueraient pas la dignité de l’individu. La prison est une institution républicaine qui doit fonctionner selon les règles de droit. Et les progrès sont nombreux à faire : surpopulation carcérale, abus, manque de sécurité, absence d’intimité…

De plus, elle insiste sur la « rupture sociale » que représente le passage en prison. Les chiffres pleuvent et font froid dans le dos. La conclusion ? Les anciens détenus, qu’ils aient passé un jour ou un an en prison ne sont pas armés pour la réinsertion. 25% des ex-prisonniers sont analphabètes, 30% seulement peuvent avoir un accès à la formation professionnelle. On appelle ça les « sorties sèches », sans le moindre encadrement, c’est ce que Christiane Taubira condamne avec ferveur et éloquence (après l’Assemblée Nationale nous ne devons pas faire si peur). Actuellement, 80% des détenus ne sont pas suivis après leur libération. Si l’on observe les chiffres à la sortie d’une maison d’arrêt, ce taux atteint les 98%. Tout sauf efficace selon la ministre. Voilà pour le côté pragmatique.

Redéfinir la notion de sanction ?

« Philosophiquement », Christiane Taubira nous explique que « la démocratie doit s’interroger sur le sens qu’elle donne à la peine. » La « sanction doit protéger la société ». Oui. Sauf que la ministre appuie sur la protection immédiate, mais surtout durable.

« Elle doit avoir un sens pour la personne qui est punie mais la victime doit aussi percevoir que la société la protège bien et vise à la réparation du préjudice connu. » En un sens, redéfinir de la sanction doit conduire le condamné à comprendre sa relation à la victime, à la société et à son avenir. L’individu est vu, même coupable comme responsable de ses actes.

Ainsi, le projet vise à « l’individualisation de la peine ». Faire du cas par cas, en essayant de saisir les motivations qui ont conduit l’individu au délit.  Il faut garder à l’esprit dit la ministre que le détenu est un « citoyen qui conserve ses droits civiques ». Et par cette méthode, la « peine la plus juste, la plus adaptée », pourrait être trouvée dans l’objectif d’éviter la récidive. La personne ne doit pas être perdue pour la société.

« Il y a une responsabilité très forte et très lourde de sortir une personne de la route de la délinquance. Et c’est quand même un beau défi que se donne ce texte de loi. » Applaudissements, rideaux.

Se battre, toujours (et avec éloquence)

« Que signifie la justice au XXIème siècle ? Que signifie la sanction ? Est ce que nous sommes capables d’être au rendez-vous de ce défi, de nous élever au rang de notre histoire ? » La ministre a fait de belles envolées lyriques, pleines de passion et de détermination.

Malgré un budget faible qui handicape ce projet plus qu’ambitieux, Taubira n’en démord pas. « Nous avons des batailles sémantiques à livrer, des batailles politiques, des batailles culturelles. » Elle admet que trouver un consensus sur un sujet aussi épineux est une lutte de tous les jours (tour de France, conférence de consensus, cycle de conservation…). Un des reproches fréquent est de donner trop d’importance aux détenu aux dépends de la victime. Ce à quoi Christiane Taubira répond qu’éviter de nouvelles victimes est « quand même le moteur le plus stimulant de cette affaire ».

 

  • Séduire Boutmy

« Elle m’a souri et elle m’a dit bonjour. » Loin de la froideur d’ancien(ne)s invité(e)s, vendredi soir, Christiane Taubira a envoyé valser la distance formelle. A renfort de mots d’humour, d’une attitude des plus naturelles elle a su instaurer une proximité avec son public. « Moi je pourrais rester avec vous toute la nuit ! » Rires, sourires, elle venait ici parler d’un sujet grave, dans un contexte difficile, et elle en a fait un moment propice à la discussion, à l’échange. « Rien ne doit ni nous toucher ni nous effrayer. » répond elle, presque protectrice, à l’hommage fait par un sciencespiste à son « comportement exemplaire et admirable » à propos de l’affaire Minute. Que l’on soit de gauche ou de droite, on comprend finalement pourquoi Christiane Taubira, a été élue « Femme de l’année » par le journal Elle. Ne serait-ce que pour sa pugnacité, son charme incontestable, son rire, et sa disponibilité si naturelle.

2 Comments

  • Basmati

    C’est la Pravda votre fanzine! Vous vous vous contentez de louer son charisme. En revanche, pas d’analyse profonde de son action ni de ses paroles. On dirait les pires heures du culte de la personnalité sous Staline. Pourquoi pas l’appeller petite mère des peuples pendant que vous y êtes?

    Allez rassembler votre esprit critique en déroute.

    Un ancien attéré.

  • Charles-Hugo Lerebour

    Le tabloïd La Peniche.net, ce « Libé » du pauvre, a, semblerait-il, oublié de mentionner le concert d’approximations de Mme Taubira, aucun chiffre, aucun fait, juste des éléments de langages. Passé la risible déclaration « après 10 années de manipulations de la droite », Mme Taubira reprend ses réflexes dogmatiques, se croyant manifestement à un Congrès du MJS. La salle était là pour faire illusion, applaudissement nourris et déclarations d’amour enflammées de militants en manque de leader… Cette indépendantiste refoulée fait un cours magistral dans le registre « leçons de bonnes pensées et angélisme Républicain ». Mais le constat est amère: la Ministre ne semble savoir défendre qu’une victime dans ce pays: elle même.