Compte-rendu : Conférence sur la politique africaine de Nicolas Sarkozy par les associations ASPA et Nabrabogo

Personne ne l’ignore, Nicolas Sarkozy a accédé au pouvoir il y a maintenant un an ; une bonne occasion pour l’Association Sciences Po pour l’Afrique (ASPA) et Nabrabogo de tenir une conférence sur la politique africaine du Président pendant sa première année à l’Elysée. Bien évidemment, LaPéniche.net était là pour vous retranscrire les grandes lignes de la conférence. Voici l’essentiel des propos des quatre invités présents…

Rémi Maréchaux, Conseiller du Président, en charge de l’Afrique Subsaharienne : Il nous a rappelé que l’Afrique est notre voisine directe (seulement 14 kilomètres séparent les côtes africaines de Gibraltar) et qu’elle va prendre de plus en plus d’importance à l’avenir, surtout du fait de son explosion démographique (il y aura 1.4 milliard Africains en 2025). Dès lors, les relations avec l’Afrique sont de première importance.
Le Président Sarkozy n’avait que 5 ans quand les colonies françaises ont pris leur indépendance, et donc il ne peut imaginer que des relations entre égaux avec ces pays, selon lui. C’est pourquoi le néo-colonialisme n’est plus aujourd’hui à l’ordre du jour avec notre nouveau Président, et les soit-disant « buts inavouables » de la politique française en Afrique non plus. N. Sarkozy aurait donc tenu à établir la plus grande transparence, une transparence appliquée en Afrique du Sud dans son discours dit « du Cap » : l’objectif est d’établir la sécurité aussi bien physique, sanitaire, qu’économique. Cet objectif est de tout premier ordre pour Sarkozy car il existe « un destin lié » de l’Europe et de l’Afrique et que le continent africain est une mine d’or pour ce qui est des débouchés économiques.

Thomas Mélonio, membre du PS : Il a tout d’abord salué certaines politiques bénéfiques mises en place par le gouvernement actuel. Il a cité entre autres les accords de défense et militaires, qu’avait d’ailleurs proposés Ségolène Royal. D’autre part, les évolutions de la Cellule Afrique, autrefois très conservatrice, ont permis des avancées considérables comme un activisme plus grand au Darfour que sous la présidence Chirac, l’aide à la résolution du conflit en Côte-d’Ivoire, ou encore l’amélioration des relations diplomatiques avec le Rwanda.
Mais il regrette la perpétuation de pratiques « détestables » selon lui : de proches relations avec des régimes contestés comme le Gabon ou la Lybie, l’envoi d’émissaires personnels avec des missions mal définies (comme l’envoi de Patrick Balkany en Afrique). Il a également dénoncé la vision du Président Sarkozy sur les conséquences de la colonisation et la vision des Africains en général. De même, __il a largement critiqué la politique d’immigration du gouvernement, avec des expulsions faites à la va-vite, sans logique sur le long terme.
En définitive, il n’y a pas selon lui de réel cap dans la politique africaine de Sarkozy, aussi bien dans ses objectifs diplomatiques qu’humanitaires, les aides allant plutôt aux pays qui en ont le moins besoin.

Fabrice Tarrit, coordinateur au CRID : Il a été extrêmement critique avec la politique gouvernementale et a du mal à croire à la rupture aujourd’hui. L’Elysée, qui est l’acteur prépondérant dans les relations avec l’Afrique, a une attitude ambiguë : il prône officiellement la promotion de la démocratie et les droits de l’homme, mais soutient des dictateurs comme Omar Bongo. Le discours officiel est selon M. Tarrit bien hypocrite car on avoue que la démocratie n’est pas parfaite, mais qu’il faut être pragmatique et que les opposants aux dictateurs africains ne sont pas aujourd’hui assez crédibles pour espérer un remplacement…
Le soutien aux dictateurs empêche en fait un assainissement complet des rapports franco-africains car on ne peut renégocier des accords militaires et de défense avec des dictateurs afin d’améliorer la démocratie. De même, l’attitude de Sarkozy personnellement est fautive : il ne peut pas promouvoir la démocratie jouant au « VRP » de l’industrie française ; la collusion entre diplomatie et milieux financiers est donc regrettable.

Un représentant de l’Agence française du co-développement pour l’Afrique, dirigée par Basile Boli : la politique ERA (« entreprendre et réussir pour l’Afrique ») est une politique active afin que les peuples africains prennent en main leur futur. Elle part du constat que le développement européen a largement profité aux Africains et donc qu’il faut que les Africains prennent en main leur futur, la croissance économique et le développement. Ceci implique pour lui la nécessité de mettre en place une immigration pensée, voulue et choisie. Il veut travailler sur la richesse des migrants, afin qu’il n’y ait plus de grandes vagues d’émigration.

Il est intéressant de noter que cette conférence a été plutôt agitée, notamment lors des débats qui ont suivis la conférence et qui portaient sur les clichés sur l’Afrique, le présupposé raciste à la politique africaine de la France, l’impérialisme monétaire vis-à-vis de la parité du franc CFA, etc.
L’assistance, constituée à grande majorité de personnes d’origine africaine a réagi de façon très vive à certains propos, notamment à ceux du dernier intervenant qui a beaucoup choqué le public. Il est cependant regrettable que des oppositions un peu trop vives aient parfois freiné le débat.

LaPéniche.net en profite pour vous rappeler que l’ASPA tiendra une autre conférence mercredi prochain 14 mai sur le thème suivant : le FMI, qui se voulait uniquement un mécanisme de financement, n’est-il pas en train de mettre en œuvre une nouvelle politique d’aide au développement ?

Rendez-vous donc mercredi 14 mai à 17h en Amphithéâtre Erignac, situé au 13, rue de l’Université !

One Comment

  • Didier

    Dans "Mitterrand l’Africain ?", ouvrage paru aux éditions de l’Egrégore, Gaspard-Hubert Lonsi Koko décrit avec précision la continuité dans les relations franco-africaines. Il démontre que celles-ci ne changeront que si les Africains eux-mêmes adoptent une autre attitude, en privilégiant avant tout les intérêts de leur continent.

    Pour l’auteur, de Mitterrand (celui de 1950, c’est-à-dire le ministre de la France d’Outre-mer) à Sarkozy en passant par le général de Gaulle, la logique française à l’égard du continent africain reste la même : bénéfice des voix dans les instances onusiennes, champ d’expérimentation grandeur nature pour les manœuvres militaires, les intérêts économiques surtout dans les pays pétroliers, la situation stratégique et géopolitique…