De l’Allemagne au Louvre : le survol de 139 ans d’histoire et d’art.

 

Germaine de Staël fut la première à faire résonner dans notre esprit ces trois petits mots : De l’Allemagne. Maintenant, c’est au tour du Louvre de raviver notre mémoire du XIXe siècle… à renfort de plus de 200 oeuvres. Tentés par l’expérience ? La Péniche est partie en éclaireur au Musée du Louvre, et a la privilège de vous livrer ses impressions exclusives.

 

La pensée allemande est un concept récent en comparaison avec « l’esprit français », mais elle fut primordiale en Europe dès son apparition au XIXe siècle. Pétrie d’angoisse, de mysticisme, de solitude et de chimères, elle est tournée vers Dieu et son absence, réfléchit sur l’Homme et son rapport au monde. Il faut donc voir la « Kultur » allemande comme la quête d’une identité, d’une cohérence politique pour rassembler les Allemands, témoignant de l’histoire d’une nation jeune, qui se forgea en réaction aux canons napoléoniens et connut l’horreur de la Grande Guerre.

Reprenant le titre de l’ouvrage de Mme de Staël dans lequel elle s’interroge sur le rapport d’une nation à sa culture et à son art, Le Louvre a fait le pari louable et ambitieux de retracer l’évolution de cette philosophie artistique de 1800 à 1939.

Tischbein, Goethe dans la campagne romaine, 1787, huile sur toile. Francfort, Städelsches Kunstinstitut und Städtisches Galerie  © U. Edelmann - Städel Museum
Tischbein, Goethe dans la campagne romaine, 1787, huile sur toile. Francfort, Städelsches Kunstinstitut und Städtisches Galerie © U. Edelmann – Städel Museum

L’exposition est construite autour de trois thèmes centraux. Tout d’abord, le rapport au passé et à l’Antiquité : les artistes allemands, menés par Winckelmann, se tournent ainsi vers l’Antiquité, rêvant d’une Grèce allemande ; et les mystiques Nazaréens comme Julius von Carolsfeld sont nostalgiques du Saint Empire Germanique.

La représentation de la Nature ensuite : le paysage est l’occasion du retour à la nature, et les romantiques allemands excellent à montrer l’homme perdu, minuscule devant l’immensité des paysages, en même temps extrêmement vides. Carl Gustav Carus et surtout Caspar David Friedrich (17 toiles exceptionnelles, clou de l’exposition) sont les plus fiers représentants de cette école romantique allemande, adaptant le précepte de Friedrich qui avait coutume de dire :

« Clos ton œil physique afin de voir d’abord avec ton œil de l’esprit. Ensuite, fais montrer au jour ce que tu as vu dans ta nuit. »

Le paysage est ainsi une conception personnelle et philosophique, devenant le support d’une réflexion métaphysique.

Lovis Corinth, Ecce Homo, 1925, huile sur toile. Bâle, Kunstmuseum  © Kunstmuseum Basel / Martin Bühler
Lovis Corinth, Ecce Homo, 1925, huile sur toile. Bâle, Kunstmuseum © Kunstmuseum Basel / Martin Bühler

Enfin, vient la partie intitulée « Ecce homo », réflexion sur l’Homme autour d’artistes comme Otto Dix, Lovis Corinth ou Max Beckmann. Qu’il retranscrive la boucherie de 14-18 ou soit utilisé par la propagande nazie, l’art allemand de ce début de XXe siècle nous montre l’homme à fleur de peau, tantôt glorieux, tantôt abimé.

Riche de 200 œuvres, l’exposition est fournie, originale mais son défaut est d’être trop ambitieuse. La période couverte est très large et à moins d’être bon germanophile, on a du mal à bien en cerner la cohérence ; les trois parties sont un peu trop dissociées et le résultat donne le sentiment d’avoir vu plusieurs expositions différentes. Un goût de déception donc, tant le sujet est intéressant et les œuvres rassemblées sont de qualité.

 

De l’Allemagne, 1800 – 1939. De Friedrich à Beckmann. Du 28 Mars au 24 Juin 2013.

Musée du Louvre  75001 Paris
01 40 20 50 50

 

Hadrien Bouvier.

 

P.S. : Pensez à aller faire un tour par le département des Arts islamiques, entièrement rénové. Une architecture épurée et des collections magnifiques qui valent le détour !