De Paris à Montréal : la lassitude menace Les Bien-Aimés.

les bien aimés

Christophe Honoré revient ce mois-ci pour son huitième film,
après Homme au Bain et surtout le très remarqué Non ma fille tu n’iras pas danser. Projeté en clôture du festival de Cannes,
Les Bien-Aimés, second film chanté, a donc été attendu. Le résultat est pourtant assez mitigé.

Les Bien-Aimés, c’est une histoire de valse, une danse constante d’un homme à l’autre, d’un pays à l’autre (Paris, Prague, Londres et Montréal servent tour à tour de théâtre à la grande Histoire en même temps qu’à celles des personnages), d’une époque à l’autre, et surtout de la mère à la fille. De 1962 à 2001 se croisent donc les fils des histoires amoureuses de Madeleine puis de Vera, et des choix impossibles entre celui qui aime et celui qui est aimé, quand ce dernier n’est pas simplement rejeté. Mais si le film souligne en filigrane combien la liberté et la légèreté des années soixante ont pu se restreindre dans les années 90, par exemple avec le fléau du sida, c’est avant tout la question de l’héritage qu’il interroge, à travers les ressemblances et les différences existant entre ces deux femmes d’une même famille.

Et donc oui, certes, Honoré reste un as dans son genre. Il est toujours sympathique d’entrer dans son monde coloré, où la vie semble facile et catastrophique à la fois, où l’on se meurt d’amour au sens littéral du mot, où la demi mesure n’existe pas. Il est toujours bienvenu d’entendre les acteurs chanter le temps d’une scène sans que cela ne choque ou ne détériore la qualité de l’intrigue ou du film dans son entier, comme autant d’hommages supplémentaires à la Nouvelle Vague, s’il en était besoin. Et les Bien Aimés ne dérogent pas à cette règle.

C’est effectivement avec joie que l’on retrouve la voix douce et le visage mutin de Ludivine Sagnier en fille légère qui calcule le profit matériel qu’elle peut tirer de son potentiel de séduction, pour finalement tomber amoureuse de l’un de ses clients. Il est aussi très plaisant de voir Chiara Mastroianni dans un rôle un peu plus à sa mesure que celui dont elle avait hérité dans Les Chansons d’amour. Admettons le, la distribution donne envie : le trio Catherine Deneuve, Michel Delpech, Milos Forman est splendide. Quand à sa fille – dans la vraie vie comme dans le film -, elle joue entre un Louis Garrel plus effacé qu’à l’habitude et un Paul Schneider qui ne l’aime pas tout à fait.


Cependant, au milieu de cet enthousiasme léger, de cette débauche de sentiments, de ces voyages incessants d’un bout à l’autre de l’Europe, quelque chose gêne le spectateur. Après le coup de maître qu’était Non ma fille tu n’iras pas danser, après la réussite des Chansons d’amour, ce dernier film fait bien pâle figure. Le rythme est lent, à tel point qu’il peut en devenir lassant, hormis dans un sursaut final. Les réactions de chacun des personnages sont attendues : les amourettes suivies d’une rupture puis de retrouvailles et les « je pense sans cesse à lui » à propos d’une romance impossible, le tout au rythme de la prise de Prague puis des attentats du 09/11, accréditent peut-être les qualifications de « film romanesque du moment», mais manquent de crédibilité.

Chiara Mastroianni / Vera tombe donc dans une mélancolie aveugle devant un Garrel aussi dragueur et amoureux que dans les films précédents, mais qui récolte moins de succès. Dans le même temps, sa mère Catherine Deneuve / Madeleine plonge dans ses souvenirs de jeunesse. Le tout est bien sûr agrémenté de chansonnettes signées Beaupain, pas désagréables à écouter mais bien légères, elles aussi, et aux paroles toujours plus fades. Et une fois qu’ont été abordés les thèmes maintenant habituels chez le réalisateur de l‘homosexualité et du couple à trois, le dénouement des affres amoureuses des deux femmes parait en définitive trop simple.

Finalement, Les Bien-Aimés tire peut-être son succès du changement de format de son intrigue, qui se déroule sur quatre décennies, d’une génération à l’autre, et sort – surtout d’un point de vue formel – du Paris Bastille habituel. Mais il reste plutôt un de ces films sympathiques que l’on va voir pour s’occuper, moins réussi que les précédents du réalisateur breton.

2 Comments

  • FdeCarmoy

    Mais ecoutons plutot Valeurs Actuelles :

    Dans le Paris des années 1960, Madeleine (Ludivine Sagnier), qui tapine pour arrondir ses fins de mois, tombe amoureuse d’un de ses clients, tchèque, et part avec lui à Prague avant d’en revenir, divorcée et munie d’une petite fille, Véra. Devenue adulte et prof d’anglais, Véra (Chiara Mastroianni) couchotte vaguement avec un collègue (Louis Garrel) tout en tombant amoureuse d’un batteur de rock homosexuel…
    L’aura de cinéaste de Christophe Honoré nous est toujours restée incompréhensible, tant ses petites histoires boboïsantes, racontées dans un style aussi chichiteux que plat, s’avèrent invariablement assommantes (exception faite pour Non ma fille, tu n’iras pas danser). Et ici interminables, car alourdies d’intermèdes musicaux sur les chansons ultrabanales (et mal chantées par les comédiens) d’Alex Beaupain. On s’ennuie d’autant plus ferme qu’on a vite pris en grippe des personnages horripilants à force de ne pas savoir ce qu’ils veulent. Seul Michel Delpech, tellement juste qu’on se demande bien pourquoi il n’a pas fait l’acteur plus tôt, réussissant à défendre son personnage – le seul il est vrai qui soit défendable. L.D.

  • AAulagnier

    Regardez un peu comme les jeunes bobos parisiens s’occupent en préparant gentillement leur 3A bien pensante dans un pays un peu pauvre mais pas trop ! Vous me dégoutez à faire la pub pour des films à 8 euros la séance, alors que pour ce prix là je nourris cinq ou six petits indonésiens.

    Je vous déteste.