Des yes et des no partout : le référendum écossais vu depuis St Andrews

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Des yes et des no partout. Sous forme d’autocollants, flyers, affiches, pins, prospectus. Sur les essuie-glaces des voitures, collés aux fenêtres, coincés entre deux rideaux, placardés aux murs et sur les lampadaires, glissés à la boutonnière parfois, et fourrés dans les mains des passants. Discrets et pourtant envahissant les villes et les bouches. On en parlait, comme ça, un peu, aux repas.

Did you vote?’ ‘Yes, of course’. Le flegmatique Anglais (ou serait-ce un Ecossais?!) reste fidèle à sa réputation : circonspect, il ne parle de ses opinions que si on les lui demande, et il n’y a guère que les étrangers de l’université qui lancent le débat. Etrangers qui auraient pu voter s’ils habitaient en Ecosse avant la clôture des inscriptions pour le référendum ; c’était mon cas, mais je n’ai pas voté, préférant rester spectatrice d’un combat qui n’est pas le mien.

Mais la question s’impose, même au plus indifférent des touristes venus photographier l’insaisissable Nessie : qu’est-ce qui motive les uns et les autres? Les partisans de l’indépendance aspiraient à une culture redevenue (enfin!) nation, en prônant l’autosuffisance financière de l’Ecosse (notamment grâce aux gisements de pétrole), une autonomie politique retrouvée, et la conservation de systèmes de santé (gratuit) et d’éducation (moins cher) propres à l’Ecosse.

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Avec la culture britannique en porte-drapeau, les détracteurs de l’indépendance balayaient d’une main condescendante l’hypothèse de l’or noir comme garantie du niveau de vie des quelques cinq millions d’Ecossais. Ils mettaient en avant les incertitudes monétaires et économiques d’une scission et craignaient de devoir quitter l’UE de par un veto anglais ou espagnol notamment. Sans compter la promesse classique d’offrir de nouveaux pouvoirs en cas de no final. Bouter les Anglais hors d’Ecosse semblait bien compliqué.

Il semblerait que la grande majorité des étudiants écossais, qui ne sont d’ailleurs pas aussi présents à St Andrews que ce que l’on pourrait croire, ont voté no. Une espèce de pragmatisme économique et politique d’abord, dont l’argument principal consiste en la question rhétorique : « Que ferait l’Ecosse sans le Royaume-Uni? ».

 Pour Iain, Ecossais venant de Lanark, petite ville du centre de l’Ecosse inconnue au bataillon, le Royaume-Uni est bien plus qu’un simple tuteur de l’Ecosse, et a une unité nationale dont il est fier : « I liked having my ‘British’ identity and I firmly believe this could co-exist with my Scottish identity », me dit-il. Il dénonce aussi une certaine mauvaise foi fataliste des indépendantistes, notamment sur la question de la santé et de la monnaie. “There were lots of conflicting theories from academics on both sides of the debate […] and I simply felt I didn’t know who to believe” ; il choisira de croire les partisans du no.

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Les partisans du yes, s’ils semblent moins nombreux à l’université, sont du moins plus discrets. Le matin du vote, on ne peut pas parler d’une ville en ébullition. Seul un groupe d’indépendantistes se fait remarquer à l’entrée d’un bureau de vote, surtout le jeune homme vêtu de tartan, kilt aux hanches et armé de sa cornemuse, symboles folklo-romantiques de la culture écossaise.

Le soir, on se réunit dans la salle de jeux pour regarder les résultats du référendum ; mais ils tardent à tomber, et on attend le lendemain matin pour accueillir, sans grande surprise, l’annonce du maintien de l’Ecosse dans le Royaume-Uni. A St Andrews, on parle du score serré, sans relancer le débat.

Une semaine après le vote, les affiches ont disparu, et, seuls, quelques rares no vainqueurs restent fixés aux fenêtres. Une certaine amertume stagne encore dans l’air, cependant. Ben me dit, fort de son ton habituel, mi-désillusionné mi-philosophe : « It looks pretty much certain that Scotland isn’t going to get any significant new powers; on the bright side, that means there’ll be another referendum ».

La venue de Hugh Grant il y a quelques semaines à St Andrews pour le tournoi de golf semble avoir plus délié les langues que le référendum ; là a peut-être été la vraie effervescence du moment?

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