FN à Sciences Po : Qui sont-ils ? Que veulent-ils vraiment ?

8h15, jeudi 27 Août 2015. Rémi Sulmont prend le micro rouge et ouvre sa chronique “RTL vous en parle déjà”. Le titre n’a jamais été aussi proche du contenu. “Au mois de septembre, des étudiants de Sciences Po Paris adhérents du Front national vont constituer une antenne du parti”. L’annonce choque. Les réseaux sociaux s’enflamment. Très vite reprise par d’autres médias nationaux, la nouvelle met en avant un étudiant de vingt-deux ans adhérent au parti frontiste, David Masson-Weyl, tout juste admis en Master 1 de Politiques Publiques à Sciences Po. “On veut qu’on se rappelle de la rentrée 2015 comme celle pendant laquelle le Front National a fait son entrée à Sciences Po. Et qu’ensuite il n’en sera peut-être jamais reparti” affirme l’étudiant déterminé dans son projet. Mais, qu’y a-t-il derrière ce “on veut” ? Que veulent-ils réellement ? Que souhaitent-ils mettre en place ? Comment réagissent les autres associations de Sciences Po ? La Péniche les a rencontrés. De David Masson-Weyl à Florian Philippot, en passant par les autres étudiants frontistes, nous vous disons tout.

En janvier 2011, lors de l’investiture de Marine Le Pen à la présidence du Front National, David Masson-Weyl commence à s’intéresser au Front. “Je me suis reconnu dans toute ce qu’elle disait lorsque j’ai entendu son discours à la télévision” déclare l’étudiant ayant d’ailleurs “naturellement voté Marine Le Pen en 2012”.

Particulièrement actif sur les réseaux sociaux, il est repéré par Florian Philippot qui lui propose une rencontre en 2013. David Masson-Weyl intègre alors le Front. En plus de la rédaction de communiqués officiels et d’entretiens de plus en plus fréquents avec le vice-président du parti, il crée quelques mois plus tard un collectif rattaché au Rassemblement Bleu Marine : le Collectif Marianne. “Le but de cette association loi 1901 est uniquement de réfléchir aux questions sur l’éducation supérieure et la recherche afin de nourrir le programme présidentiel de Marine Le Pen pour 2017. On a en effet aujourd’hui un problème de crédibilité sur certains thèmes de campagne”, nous explique-t-il.

Au début de l’été, David Masson-Weyl est admis en Master 1 de Politiques Publiques à Sciences Po après une double-licence Histoire/Droit et un Master de Relations Internationales à l’université d’Assas. “J’ai alors eu l’idée de lancer quelque chose à Sciences Po” déclare-t-il, “car j’avais au sein de l’école des amis sympathisants frontistes qui m’avaient contacté en 2015 afin de poser leur pierre à l’édifice du projet de Marine Le Pen”. Ces amis sont Thomas Laval, Antoine Chudzik, Aymeric Merlaud et Davy Rodriguez. Nous les avons également rencontrés.

David Masson-Weyl, réel initiateur du projet ?

Davy Rodriguez est étudiant en cinquième année à Sciences Po. Militant du Front de Gauche jusqu’au milieu de sa troisième année, il est désormais adhérent du Front National, et ce depuis quinze jours. “La ligne politique de la gauche radicale était de plus en plus éloignée de la défense des gens qui sont dans le besoin. J’ai essayé de parler en interne mais je restais très minoritaire dans la remise en cause de questions fondamentales comme la zone euro, l’espace Schengen ou l’immigration. J’ai alors décidé de changer de parti. Le plus proche était le FN, qui d’ailleurs a changé”.

Selon Davy Rodriguez, l’idée d’implanter le FN à Sciences Po existe depuis plusieurs mois. Ce ne serait pas David Masson-Weyl mais Aymeric Merlaud, étudiant et candidat frontiste aux élections départementales de l’an dernier qui en aurait été l’initiateur, après en avoir parlé à Marine Le Pen en octobre 2014. A ses côtés, Antoine Chudzik, ancien du Parti Socialiste et Thomas Laval, ex adhérent de l’UMP.

“Nous sommes quatre a avoir entamé la démarche. Après, si David Masson-Weyl souhaite nous rejoindre, il n’y a pas de problème. Il est le bienvenunous précise Davy Rodriguez, avant d’ajouter “mais là il vient d’entrer à Sciences Po, on va déjà lui montrer les lieux”. Comme si la médiatisation de ce projet par un nouvel étudiant agaçait, l’ancien du Front de gauche poursuit : “Ce que je sais, c’est qu’on a aidé David à passer le concours de Sciences Po, il ne me semble pas qu’on l’ait contacté l’an dernier”.

Sur l’annonce de la création du FN à Sciences Po par David Masson-Weyl, Davy Rodriguez affirme : “Il n’a pas à nous imposer un leadership. Maintenant, qu’il ait annoncé le projet, tant mieux, ça nous fait de la publicité et met la machine en marche mais c’est dommage qu’il ne nous en ait pas parlé avant car c’est initialement l’idée d’Aymeric Merlaud”. Les quatre adhérents ont d’ailleurs rendez-vous avec Florian Philippot et Marine Le Pen ces prochains jours pour faire le point sur leur organisation interne et leurs projets. “David y sera convié” précise Davy Rodriguez.

La direction du Front National réjouie

Le Front National à Sciences Po est une aubaine pour ledit parti. Joint par téléphone par La Péniche, Florian Philippot se félicite : “Il me semble très positif qu’une grande école comme Sciences Po puisse se rapprocher de ce qu’est aujourd’hui le pays. C’est toujours bien qu’une institution soit pleinement républicaine”. L’ancien énarque affirme : “Il faut des élites dans notre pays mais des élites moins déconnectés et plus proches du peuple français. Sinon, il y a une coupure qui n’est pas saine”. Si son parti s’apprête aujourd’hui à entrer au 27 rue Saint-Guillaume, c’est selon lui car “l’image du Front change beaucoup. Nous avons toujours été haut chez les jeunes mais nous avons de plus en plus d’étudiants chez nous, et tant mieux”.

“On peut être étudiant, intelligent, à Sciences Po et voter Front National”

Rassembler des étudiants autour du projet de Marine Le Pen est l’ambition affichée du FN à Sciences Po. “On souhaite organiser des conférences, inviter Marine Le Pen ou Florian Philippot, organiser des groupes de travail, et surtout débattre”, nous confie David Masson-Weyl. C’est un combat d’idées, de convictions et d’arguments que la future association souhaite donc proposer. “On peut être étudiant, intelligent, à Sciences Po et voter Front National”, appuie-t-il – ou se rassure-t-il.

Mais quel soutien pourrait avoir une telle association à Sciences Po ? La question reste entière. David Masson-Weyl l’avoue : “On ne sait pas vraiment quel soutien nous allons avoir mais je pense que beaucoup de gens à Sciences Po que je ne connais pas encore peuvent être en phase avec nos idées.”

La dernière apparition du Front National date de février 2014 lors du Forum des élections Municipales organisé par Sciences Po TV. Elle s’était soldée par le bouclage de l’école et l’arrivée de dizaines de CRS. Sans oublier le violent chahut causé par la présence de Marine Le Pen pour le forum Elle en 2012.

Comment ainsi imaginer le FN tracter en péniche aux côtés des syndicats et d’autres associations ? “On va se prendre des coups psychologiques et non physiques je l’espère”, reconnaît Davy Rodriguez avant d’ajouter “Ca ne va pas être facile.”

Les associations politiques prêtes au débat

Les associations politiques et les différents mouvements politiques n’ont pas tardé à réagir. Sur leur page Facebook, Les Républicains Sciences Po s’attristent mais se disent prêts à confronter leurs convictions : “nous nous battrons énergiquement sur le terrain des idées et nous gagnerons.”

Même réaction du côté du Front de Gauche, qui déclare : “Ils seront peut être battus à la procédure de reconnaissance. Si ce n’est pas le cas, nous les battrons en 2017, pour l’intérêt des Français. Nous portons l’alternative à la catastrophe dans laquelle nous ont entraînés les dirigeants européens.”

Du côté socialiste, Thibault Berger, responsable de la communication du PS Sciences Po nous confie : “A titre personnel je ne souhaite pas donner plus de visibilité à ce parti dont je condamne les idées. Elles sont nauséabondes et la confusion permanente qu’ils entretiennent dangereuse”. Avant de rajouter “le FN trouvera sur sa route, partout et tout le temps, tous les Socialistes et de nombreux autres, surtout à Sciences Po. C’est un combat de tous les jours que nous devons tous mener.”

Le mouvement étudiant de droite, l’UNI-MET, botte en touche de son côté : “Nous sommes un mouvement étudiant politique, mais apartisan. Nous ne nous préoccupons donc pas des partis politiques. Or, c’est le cas de cette association, donc cela ne nous concerne pas”, nous a répondu Léo Castellote, président dudit syndicat à Sciences Po.

Enfin, l’UNEF se prépare aux hostilités. « Le Front National porte un projet de société profondément excluant, dans lequel celles et ceux n’ayant pas la “bonne” couleur de peau, la “bonne” religion ou encore la “bonne” orientation sexuelle n’auraient pas leur place » affirme Josselin Marc. Puis l’un des responsables du syndicat ajoute : « Ceux-ci sont inacceptables, particulièrement au sein d’un établissement d’enseignement supérieur qui a vocation à l’émancipation. L’UNEF se mobillisera toujours face à la montée de l’extrême droite. »

Le débat est aujourd’hui ouvert et risque de gagner en ampleur dans les prochains jours. Si l’unité n’est pas encore garantie au sein de la future association, elle sera impérative pour regrouper les 120 scrutins nécessaires à sa reconnaissance. Entre acceptation et rejet,  un combat commence. Jamais les conseils de Végèce n’ont paru plus avisés : Si vis pacem para bellum…

2 Comments

  • Rationibus

    A ce stade j’ai presque envie que le FN Sciences Po passe la procédure de reconnaissance : rien de mieux pour pimenter la vie associative et politique à Sciences Po. Ce serait même une bonne manière de pouvoir enfin discuter en phase, sur un échiquier commun et pas donner des réponses mondaines – aussi bonnes soient-elles – à des requêtes populaires – aussi folles soient-elles. Sciences Po a,malgré sa réputation ‘pipo’, un intérêt dévoué pour la « bonne » politique publique (avec des Master come EPP et des professeurs comme Wasmer); en l’occurrence pouvoir y démontrer même l’inconsistence, voire l’absurdité économique et sociale de la quasi-totalité des politiques supportées par le Front National serait la meilleure arme pour combattre des idées qui relèvent du spirituel plutôt que du scientifique.