Retour sur le Grand O de Christophe Castaner

Mercredi soir, le Grand Oral faisait sa rentrée. L’invité choisi pour ouvrir le bal n’était autre que Christophe Castaner, porte-parole du gouvernement. Cette première édition, qui s’est tenue dans un contexte de revendications sociales et de protestations, s’est révélée mouvementée. Dix minutes après le début de l’événement, un groupe d’étudiants, militant contre les ordonnances sur le Code du Travail, ont laissé entendre leur mécontentement en faisant interrompre l’interview politique. Il faut dire que les ordonnances que prévoit le gouvernement ne plaisent pas à tout le monde ; la cote de popularité du Président a baissé jusqu’à atteindre 30% ces derniers jours. Dans une atmosphère parfois électrique, le Grand Oral s’est chargé de questionner le porte-parole du gouvernement sur de nombreux sujets tant politiques que personnels.

Christophe Castaner répond aux questions de l’auditoire. Crédits photo : Manon Stanquic-Hé // Sciences Po TV

Alstom/Siemens, une union qui fâche

Après le portrait haut en couleur dressé par Sciences Polémiques, on entre directement dans le vif du sujet avec l’interview politique. La question de l’affaire Alstom est rapidement mise sur le tapis. Rappelons que la compagnie de transport ferroviaire française va bientôt fusionner avec le groupe industriel allemand Siemens. Le français et l’allemand vont former, comme le souhaite Paris et Berlin, un « Airbus du rail ».

“ Le grand enjeu maintenant, c’est de créer un champion économique européen “

Cette opération inquiète les syndicats d’Alstom, qui voient déjà l’entreprise fondre dans cette fusion au profit de la compagnie allemande qui en reprendrait le contrôle.

Christophe Castaner en Boutmy, mercredi soir. Crédits photo : Manon Stanquic-Hé // Sciences Po TV

Pour Christophe Castaner, cette opération aurait un objectif plus large : celui de créer un « champion européen », qui permettrait de remettre en place une politique industrielle européenne et de peser sur la scène internationale.

     “ Il faut assumer les provocations, sans quoi rien ne peut avancer. “

Questionné quant à la nouvelle forme d’écriture dite inclusive pratiquée dans un manuel scolaire de CE2 de chez Hatier, Christophe Castaner ne condamne pas ce choix, et au contraire le revendique. En effet, le Secrétaire d’État affirme que nous vivons dans une société profondément marquée par les inégalités. Ce n’est donc qu’en assumant ce qu’il appelle ce genre de « provocations » que les choses pourront avancer, selon lui.

Un porte-parole à l’histoire atypique

Le Grand Oral fut également l’occasion de revenir sur le parcours de ce natif du Var. Souvent taxé de débonnaire, Castaner revendique sa volonté de ne pas changer, et de ne pas être « customisé ». Ayant obtenu son Bac en candidat libre, militant à l’UNEF, noctambule et joueur de poker, le porte-parole du gouvernement présente un parcours pour le moins atypique. Il explique qu’il a dû faire un choix entre sa vie nocturne et la politique. Pour répondre à ses détracteurs qui le qualifient souvent de simplet, il déclare qu’à Forcalquier, la ville dont il fut maire durant seize ans, on peut aussi s’élever socialement.

“ Emmanuel Macron a un toucher de balle extraordinaire. “

C’est non sans humour qu’il nous livre ensuite son ressenti sur le gouvernement actuel et son président. Le fol amour entre lui et En Marche tient encore, et ce malgré les hauts et les bas liés à la mise en application du programme. Il ne tarit pas d’éloge sur l’actuel Président de la République, qualifiant ce dernier comme “ étant au-dessus du lot “ et file la métaphore du foot en attribuant à Emmanuel Macron des qualités intellectuelles peu communes qu’il compare à un toucher de balle extraordinaire, tel celui de Zlatan Ibrahimovic.

“ On est dans un monde dingue, c’est à Paris que les lois décident de tout le système. “ Christophe Castaner, justifiant la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche

La soirée s’est poursuivie par l’arrivée du Grand Témoin, Benjamin Amar, responsable politique des revendications de la CGT. Ce dernier s’oppose farouchement aux ordonnances du Code du Travail. Dès le début, Benjamin Amar donne le ton et dit vouloir centrer le débat sur la question des ordonnances. Pour appuyer son propos, il fait appel à des études faites par le FMI et l’INSEE, qui dévoileraient toutes deux que « casser le code du travail ne crée pas de l’emploi ». Castaner inscrit quant à lui les ordonnances dans une politique plus globale, politique visant à recréer une confiance et booster l’attractivité économique française aux yeux des investisseurs étrangers.

« Passez donc le message à Jupiter »

Vient alors la question de la négociation sociale, qui pour Benjamin Amar n’est qu’une « fable ». Selon lui le Code du Travail est fondé sur une « clé de voûte » qui a pour vocation de protéger les travailleurs du rapport de subordination entre l’employeur et l’employé. Le dénaturer porterait préjudice aux droits des travailleurs. S’ensuit un échange plus ou moins musclé entre les deux hommes qui, s’ils se lancent des piques sur le ton de l’humour, ne semblent pas prêts à revenir sur leurs positions.

Christophe Castaner face à Benjamin Amar. Crédits photo : Manon Stanquic-Hé // Sciences Po TV

Le débat prend fin avec une conclusion pour le moins lapidaire de Benjamin Amar, conclusion directement adressée au président de la République : “ Passez donc le message à Jupiter (…) la foudre pourrait effectivement lui retomber dessus. “ Une formule applaudie par nombre d’étudiants dans la salle.

C’est donc dans une atmosphère plutôt tendue que cette première session de l’année s’est achevée. Notons cependant que le débat d’idées a pu avoir lieu jusqu’à son terme, en dépit de l’intervention des étudiants en début de conférence. Rendez-vous très bientôt pour un nouveau Grand Oral, le cycle ne fait que débuter !