Retour sur le Grand O de Marlène Schiappa

Mardi soir, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité femmes-hommes Marlène Schiappa était l’invitée d’honneur de Sciences Po TV, La Péniche, Sciences Polémiques et Vae Solis, pour le troisième Grand Oral de cette saison. Dans le sillage des dénonciations des violences sexuelles subies par les femmes au travers des mouvements #MeToo et #BalanceTonPorc, son projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes a fait couler beaucoup d’encre au cours des dernières semaines. Retour en quelques points sur le déroulé de ce Grand Oral.

Un projet au loi au centre de tous les débats

Après un portrait piquant réalisé par Sciences Polémiques, Marlène Schiappa a été interrogée sur son style politique jugé quelques fois particulier par le public. Sa participation remarquée dans la pièce Les Monologues du vagin, est pour elle un moyen de décomplexer les femmes sur les questions ayant trait à la sexualité. Sa présence, parfois critiquée, sur le plateau d’émissions de grande audience telle que Touche Pas à Mon Poste lui permet pourtant de mettre en place sa stratégie dite du « cheval de Troie » : faire passer des messages de fond tout en se pliant aux règles d’une émission populaire afin d’atteindre un public plus large. C’est aussi par ce biais que son blog « Maman Travaille » lui a permis de montrer à des milliers de femmes que l’on peut concilier vie professionnelle et maternité.

Le Grand Oral s’étant déroulé la veille de la présentation de son projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes faites aux femmes, l’interview politique, menée par Loris Boichot, a donc surtout été axée sur le contenu des mesures qui seront présentées. Concernant la question tant débattue de l’âge du consentement sexuel fixé à 15 ans dans la nouvelle loi, Marlène Schiappa répond que cela ne pose pas de problème puisque « chaque magistrat gardera sa liberté d’interprétation ». Concernant le harcèlement de rue et la condamnation pour outrage sexiste, elle considère que la mise en place d’une amende de catégorie 4 et non 5 permettra de faire en sorte que cette mesure soit réellement applicable par les policiers.

« La base de l’engagement politique est de croire que l’on va réussir là où d’autres ont échoué. »

Également questionnée sur le sujet de l’allongement du délai de prescription des crimes sexuels commis sur mineur, la secrétaire d’État a déclaré considérer qu’ils ne peuvent être imprescriptibles, comme c’est le cas en Californie, dans la mesure où seuls les crimes contre l’humanité le sont en France. C’est ainsi que le passage de 20 à 30 ans lui semble être un bon compromis. Questionnée également sur la manière dont elle entend agir sur la problématique récurrente des inégalités salariales entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa pense que « la base de l’engagement politique est de croire que l’on va réussir là où d’autres ont échoué ». C’est pourquoi, même si les gouvernements précédents ont échoué sur cette question, elle propose une augmentation du contrôle dans les entreprises afin de vérifier que les mesures soient réellement bien appliquées.

La liberté comme essence de l’art

Outre ces questions, Marlène Schiappa a également été interrogée sur la garde à vue de Nicolas Sarkozy, la place accordée aux départements d’Outre-Mer dans son nouveau projet de loi ainsi qu’au sujet de l’assassinat de la militante brésilienne Marielle Franco, jugé pour certains comme étant un « féminicide ». L’invitée a répondu ne pas pouvoir pour l’instant se prononcer sur ce sujet, par manque d’informations.

Marlène Schiappa était présente en Boutmy mardi soir. Crédits photo : Camille Maindon // La Péniche

La rubrique « Pour ou Contre », avec Siane de Camas, fut le moyen de revenir sur des questions auxquelles Marlène Schiappa a pu livrer des réponses plus personnelles. Interrogée notamment à propos du retour de la pudeur dans l’art, elle s’est déclarée contre toute forme de censure artistique dans la mesure où la liberté est justement l’essence de l’art. Censurer la nudité présentée sous forme réelle ou métaphorique sur les réseaux sociaux est donc problématique.

Récemment, le clip de la chanson de G. Brassens « les Passantes » réalisé par Charlotte Abramow à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, a notamment été censuré pour les moins de 18 ans dans la mesure où des représentations métaphoriques de vulves ont été jugée « offensantes » pour les utilisateurs. Par ailleurs, Marlène Schiappa s’est déclarée « pour » qu’un secrétaire d’Etat chargée de l’égalité femmes-hommes soit un homme dans la mesure où les femmes et les hommes ne doivent pas être traités différemment que ce soit dans la vie quotidienne ou en politique.

Un face-à-face sous tension avec Élisabeth Lévy

Le face à face contre Elisabeth Lévy a quant a lui été à la hauteur des attentes. Les oppositions ont fusé et le débat est monté d’un ton autour de plusieurs sujets. Élisabeth Lévy s’est notamment déclarée choquée que Madame Schiappa ait soutenue le mouvement #BalanceTonPorc, dans la mesure où ce mouvement cautionnerait le fait que n’importe puisse être dénoncé sur les réseaux sociaux, y compris pour des actes qu’il n’aurait pas réellement commis. Chiffres à l’appui, Mme Schiappa met en évidence que les fausses accusations ne sont que de l’ordre de 3 à 4% des déclarations réalisées chaque année. Mme Schiappa considère également que le mouvement #MeToo « n’est pas un mouvement de libération de la parole mais un mouvement de libération de l’écoute » dont le but est « de faire cesser ce qu’une majorité de femmes subissent de la part d’une minorité d’hommes ».

Élisabeth Lévy était l’invitée du grand débat. Crédits photo : Camille Maindon // La Péniche

Madame Lévy étant opposée à cette idée, M. Schiappa met en évidence le fait que 8 jeunes femmes sur 10 âgées de 18 à 25 ans déclarent avoir peur quand elles sortent dans la rue seule le soir (sondage IFOP, 2018). Même s’il s’agit d’une insécurité ressentie, Marlène Schiappa considère que ce chiffre est important car la peur a un impact sur la vie quotidienne des femmes, et notamment au travail. Pour autant, Élisabeth Lévy considère qu’il y a une « sacralisation » du statut de la victime ce à quoi Mme Schiappa répond que les 90 000 femmes violées chaque année en France n’ont pourtant pas envie d’avoir ce statut de victime.

Le Grand Oral s’est terminé par une trentaine de minutes de questions-réponses entre le public et les invités. La possible reconnaissance d’un troisième sexe par la loi, les moyens disponibles pour faire respecter la parité au sein des institutions religieuses, ou encore le moyen de rendre le féminisme plus intersectionnel sont autant de thèmes ayant été abordés.

C’est donc dans une atmosphère électrique que s’est déroulé ce troisième Grand Oral bien qu’il faille noter que le débat soit resté la plupart du temps courtois en dépit de profondes divergences d’opinions. A très vite pour un nouveau grand oral !