Grande première pour le concours d’entrée new-look

Pour avoir le privilège de s'asseoir en Boutmy, beaucoup d'étudiants de Sciences Po ont du passer par le concours d'entrée.

Sciences Po sort d’une année noire avec l’accablant rapport de la Cour des Comptes et les multiples rebondissements dans la succession du défunt Richard Descoings. Les critiques ont fait feux de tout bois, les medias se sont acharnés de manière surréaliste, entrainant dans leur sillage une partie de l’opinion publique, parvenant ainsi à écorner l’image du prestigieux IEP. Tant de chambardements qu’on en aurait presque oublié la controversée réforme du concours d’entrée. Si bien de l’eau a coulé sous les ponts rue Saint-Guillaume depuis l’annonce retentissante mi-décembre 2011, il n’en demeure pas moins que les 2 et 3 mars prochains, 5455 jeunes venus de toute la France plancheront sur leurs copies à Villepinte, en Guadeloupe, à la Réunion, à Nancy ou à Poitiers, dans l’indifférence quasi-générale. Quels enjeux et quelles expectatives pour ce concours new look orphelin de son épreuve de culture générale ? LaPéniche a mené l’enquête.

« L’avènement de la médiocrité »
L’annonce aura fait l’effet d’une bombe et provoqué un immense tintamarre médiatique. Le 12 décembre 2011, le site l’etudiant.fr révèle en exclusivité que l’emblématique épreuve de culture générale ne sera plus au programme du concours d’entrée en 1ère année de Sciences Po dès 2013. Mis devant le fait accompli, prenant conscience de l’ampleur des révélations, la direction s’empresse de publier un communiqué confirmant une refonte partielle du concours et évoque d’emblée un besoin de diversifier les profils des candidats. Ni une ni deux, une féroce polémique enfle. Plusieurs intellectuels crient au sacrilège- dans Le Figaro Ivan Roufila pointe du doigt des « adeptes de la table rase » et Jean-François Mattei s’insurge contre « l’avènement de la médiocrité »-, tandis que la sociologue Marie Duru-Bellat apparaît bien esseulée à l’heure d’applaudir la réforme.

Une « volonté de s’aligner sur la procédure Admission Post-Bac »
Plus de culture G, trois épreuves écrites en mars, procédure d’admission via la mention ‘très bien’ à la trappe, possible présélection sur dossier dispensant de passer les épreuves écrites…Une véritable révolution traduisant selon la doyenne du Collège Universitaire Françoise Melonio une « volonté de s’aligner sur la procédure Admission Post-Bac ». En d’autres termes, la culture générale aurait été supprimée pour une simple question de calendrier, car entre l’histoire, l’épreuve de langue et l’épreuve à option (littérature et philosophie, mathématiques ou sciences économiques et sociales), cela fait déjà énormément de copies à corriger…Mais au lieu de se replier sur cette justification, certes plus qu’hasardeuse, Sciences Po a préféré surfer sur la vague d’une communication anti-élite, avec le credo suivant : tous les jeunes ne sont pas égaux devant la culture générale. « Nous ne recrutons pas des copies, nous recrutons des individualités » affirmait sans coup férir Hervé Crès, à l’époque directeur adjoint et directeur de la scolarité.

Les candidats seront serrés comme des sardines à Villepinte.
Les candidats seront serrés comme des sardines à Villepinte.

« Une refonte de A à Z aurait été préférable »
En 2012, ce sont 870 étudiants qui ont été admis en 1ère année via l’ancienne procédure de l’examen d’entrée, sur 5.400 candidats. Pour ceux qui rêvent d’arpenter un jour les couloirs du 27 rue Saint-Guillaume, il va de toute façon falloir briller les 2 et 3 mars prochains. Alors qu’il était initialement prévu que les épreuves se déroulent sur une seule et unique journée, la direction de Sciences Po est revenu sur sa décision, décidant de conserver un étalement sur deux jours, soit un week-end agréable en perspective pour ces jeunes qui préparent également le baccalauréat (l’obtention de ce diplôme demeure une condition sine qua non pour être officiellement admis).Une partie du stress s’envolera-t-elle pour autant grâce à l’absence de culture G ? Rien n’est moins sur. Robin, étudiant en 2ème année,abonde en ce sens: « inutile de se voiler la face, l’épreuve d’histoire et celle à option seront de toute évidence imprégnées de culture générale. Si Sciences Po avait vraiment voulu réformer le concours dans un souci d’équité, une refonte de A à Z aurait été préférable. Pour les étudiants issus des milieux où acquérir une dose de culture élevée relève du miracle, le stress sera identique. » Un sentiment prémonitoire qu’il faudra bien sûr confirmer auprès des milliers d’intéressés.

A l’issu de cette première phase d’admissibilité, seuls les meilleurs seront retenus comme « admissibles ». Ils devront ensuite faire leur preuve lors d’un oral qui a lui aussi connu quelques chamboulements, puisqu’en décembre 2012 l’épreuve de langues vivantes a tout bonnement été supprimée en catimini.

L’oral de langues vivantes supprimé pour faire des économies
Alors que les étudiants croûlaient sous les ‘papers’ et préparaient ardemment leurs partiels du premier semestre, la direction de Sciences Po s’est discrètement délestée du poids de l’organisation complexe et coûteuse d’un oral de langues vivantes. Mi-décembre 2012, l’épreuve, initialement prévue en qualité de complément à l’entretien de motivation, a été rayée du programme de ce concours d’entrée version 2013. Cependant, l’explication livrée par l’IEP ne convainc pas: « le ministère de l’Education Nationale a mis en place, le 22 mars 2012, une épreuve orale de langues pour toutes les séries du bac. Ces nouvelles modalités d’évaluation des compétences linguistiques ont conduit Sciences Po à suspendre pour la session 2013 l’épreuve orale de langues envisagée. » Françoise Mélonio évoque également des « raisons financières », Sciences Po devant logiquement faire des économies après la rapport de la Cour des Comptes. A ce titre, une source proche du dossier confirme que « Sciences Po entamera prochainement une réflexion pour les sessions suivantes à la lumière de ce nouvel élément, que l’on ne peut évidemment négliger. » Toujours est-il que le seul et unique oral de cette cuvée 2013, devant un jury de 2 personnes, jouera un rôle particulièrement décisif, comme le souligne François Mélonio: « Il permettra de déterminer en face à face quelle est la culture du candidat et de cerner ses goûts. » En d’autres termes, si l’on interprète correctement les propos de la doyenne du Collège Universitaire, l’appréciation de la culture du candidat ne se fera plus à l’écrit mais à l’oral.

Espérons que les candidats ne succombent pas au stress!
Espérons que les candidats ne succombent pas au stress!

Il suffit d’un peu de bon sens pour comprendre qu’on ne fait que repousser le problème. Pourtant, l’intention de réduire le fossé social des candidats semble habiter la direction de Sciences Po et nul besoin de rappeler le célèbre proverbe « l’intention fait l’action. » Histoire de surfer sur la vague proverbiale et en guise de soutien à tous les candidats, nous leur suggérons d’endosser ces prochains mois le costume reluisant du stakhanov, car « Toujours pêche qui en prend un. »