Hong Kong sous l’orage

Pierre Delbosc est étudiant à Sciences Po, en année d’échange à Hong Kong. Il fait le point pour LaPéniche.net sur ce qu’il qualifie de « mobilisation que personne n’avait réellement attendue ».

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Mouvements de foule au milieu des gaz lacrymogènes.

L’appel à la dispersion avait été majoritairement suivi la semaine dernière après les avertissements répétés de nombre de représentants des universités hongkongaises. Dans un communiqué, Peter Mathieson, président de l’Université de Hong Kong, urgeait l’ensemble de la communauté étudiante et du staff à quitter les lieux de manifestations, « Please stay calm and leave in an orderly manner without delay. I am making this appeal from my heart because I genuinely believe that if you stay, there is a risk to your safety. Please leave now: you owe it to your loved ones to put your safety above all other considerations. »

Cette période d’accalmie laissait penser qu’une potentielle issue sortirait des négociations à venir entre fédération étudiante et gouvernement. La rupture brutale d’une telle hypothèse dans l’après-midi du vendredi 10 Octobre poussait les hongkongais à suivre un autre appel durant le week-end, celui de la mobilisation.

Retour sur les 20 jours qui ont posté Hong Kong sur le devant de la scène internationale.

 

De la grève étudiante au mouvement populaire

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Statue de la liberté symboliquement cagoulée sur le campus de la CUHK.

L’agitation pro-démocratique que connaît actuellement Hong Kong n’est pas née avec le mouvement de désobéissance civile d’Occupy Central. Elle germe depuis plus d’un mois dans les universités hongkongaises. Le lundi 22 Septembre, au premier jour d’une semaine de boycott lancée par la fédération étudiante, plusieurs centaines d’étudiants se réunissent sur le campus de la Chinese University of Hong Kong, en conclusion d’une série de débats, de réunions d’information et de campagnes de sensibilisation autour du thème de la démocratie. Sur place, la statue de la démocratie, érigée en rappel des massacres de Tiananmen, était symboliquement cagoulée depuis plusieurs jours.

Dans une ambiance d’université d’été sont lancés les prémisses d’une mobilisation que personne n’avait réellement attendue. Officiellement, 13 000 manifestants seront présents. Les forces de police sont marginales, et la semaine de « civic lectures » organisée en plein air par des professeurs volontaires se déroule sans qu’aucun incident ne soit à relever.

Le tournant des manifestations intervient sans aucun doute le vendredi 26 septembre au soir, et dans cette escalade de mobilisation, Civic Square fera longtemps office de symbole. La place, traditionnellement ouverte aux manifestations pro-démocratiques, a été fermée il y a quelques semaines par le gouvernement, qui y fait construire des barrières, officiellement pour des raisons de sécurité.

Quelques 70 étudiants tentent de forcer un cordon de police pour y pénétrer. Ils seront rapidement encerclés à l’intérieur par les forces de l’ordre alors que des centaines de manifestants se massent aux grilles pour demander leur libération. Ils resteront sur place toute la nuit, empêchant leur évacuation. Le gouvernement déploie pendant ce temps des unités anti-émeutes tandis que la police gaze les étudiants les plus virulents.

Le lendemain, ce qui n’était au départ qu’un mouvement étudiant se propage à l’ensemble de la ville. Surfant sur l’agitation, Benny Taï, co-fondateur d’Occupy Central lance un mouvement de désobéissance civil dans la nuit de Samedi à Dimanche.

Etudiants massés sur le campus de CUHK au premier jour de grève étudiante.
Etudiants massés sur le campus de CUHK au premier jour de grève étudiante.

Au coeur de la révolution des parapluies 

Le gouvernement ne croit visiblement pas en la longévité du mouvement qu’il décide de disperser. La police lance du gaz lacrymogène au milieu de la foule, une première depuis les manifestations de fermiers sud-coréens contre l’OMC en 2005. Nous sommes à un second tournant. La presse internationale commence à relayer l’information. Sans le savoir, la « révolution des parapluies » a déjà commencé.

Les 1er et 2 Octobre, jours fériés en Chine, le soutien populaire semble réel. Les manifestants sont régulièrement approvisionnés en nourriture, et en eau par des volontaires qui distribuent également des rubans jaunes à l’effigie du mouvement. Reste que la multiplication des lieux de manifestations (Causeway Bay, Admiralty, Mong Kok) n’est pas sans conséquences pour les commerces locaux. Les loyers exorbitants demandés à Hong Kong maintiennent un pression constante sur les commerçants, d’où un certaine exaspération vis-à-vis de la foule.

Vendredi soir, de violents heurts opposent anti-Occupys et manifestants. Les débordements impliquent vraisemblablement la mafia chinoise, soupçonnée d’être liée au gouvernement. Cette collusion ne serait pas nouvelle. M. Reyes, dans un cours à l’Université de Hong Kong, rappelle que l’exécutif hongkongais avait déjà infiltré les milieux criminels à l’approche du turnover de 1997, dans l’espoir que la rétrocession de la ville à la Chine ne donne pas lieu à une montée des violences. Les preuves d’une nouvelle implication de ce type sont encore à fournir.

Pour autant, la nouvelle a donné un regain aux manifestations du week-end du 4 Octobre, avant que les manifestants quittent majoritairement les lieux à l’ouverture supposée de négociations. L’annonce de leur rupture a provoqué l’accord unanime des mouvements pro-démocrates sur la reprise du mouvement.

 

Etudiants et hongkongais occupant Harcourt Road, Mardi 31 Septembre 2014
Etudiants et hongkongais occupant Harcourt Road, Mardi 31 Septembre 2014

L’impasse comme seule perspective ? 

Les chances d’aboutir à un consensus sont pourtant minces. Le gouvernement ne peut sortir du cadre que Pékin lui a imposé pour l’élection du chef de l’exécutif hongkongais en 2017. Si l’Assemblée Nationale Populaire (Assemblée législative de la République Populaire de Chine) accepte l’idée d’un scrutin au suffrage universel, elle le conditionne par la constitution d’un comité de nomination restreint. Les exigences de la fédération étudiante (à savoir, démission du chef de l’exécutif, CY Leung et retrait du plan adopté) sont donc inacceptables.

Non pas que le gouvernement soit particulièrement intransigeant. Il avait déjà renoncé en 2012 à adopter une réforme de l’éducation que les hongkongais jugeaient nationalistes. Pour autant, un retrait de sa part impliquerait le désaveu du pouvoir législatif chinois. Quant aux étudiants, il serait étonnant qu’ils acceptent autre chose qu’une « vraie démocratie », d’autant que le mouvement pro-démocratique rencontre une crise de leadership.

Etudiant ayant reçu du gaz poivre soigné par deux de ses camarades.
Etudiant ayant reçu du gaz poivre soigné par deux de ses camarades.

Partis politiques, mouvement étudiant et Occupy Central sont tous trois distincts et ne se rejoignent que partiellement sur l’ensemble des revendications. Certains des manifestants présents dimanche dernier revendiquaient leur soutien aux étudiants tout en refusant d’être associé au mouvement d’Occupy Central, trop radical à leur goût. De la même manière, Emily Lau et Albert Ho, figures emblématiques du mouvement pro-démocratique, peinent à rassembler au-delà de leurs propres forces politiques.

La marge de manœuvre est donc étroite. M. Reyes pense qu’une solution possible pourrait s’esquisser autour des conditions de constitution du comité de sélection. Le plan adopté par Pékin précise pourtant que « The provisions for the number of members, composition and formation method of the nominating committee shall be made in accordance with the number of members, composition and formation method of the Election Committee for the Fourth Chief Executive ». Or en 2012, seuls 1200 électeurs avaient été appelés à voter.

5 Comments

  • Pierre Delbosc

    Je comprends votre critique. A ma décharge il était aussi difficile de couvrir 20 jours de contestation en prenant un point de vue qui nous ramène essentiellement a notre quotidien, ce que l’on peut entendre, lire, voir à l’université ou en échangeant avec nos amis hongkongais. Je vous invite à lire le blog que quelques étudiants de Sciences Po tiennent à propos de leur experience au coeur des manifestations. Vous y trouverez peut-être le point de vue que vous cherchez : https://sciencespoahongkong.wordpress.com .

  • Thomas Sittler

    Frachement décu par l’article, qui faisait espérer un vrai témoignage personnel, mettant à profit la proximité de monsieur delbosc avec les évènements. Là j’ai l’impression de lire un résumé des articles de journaux que je lis depuis le début ce cette histoire; rien de nouveau, rien de différent.

    • Pierre Delbosc

      Je comprends votre critique. A ma décharge il était aussi difficile de couvrir 20 jours de contestation en prenant un point de vue qui nous ramène essentiellement a notre quotidien, ce que l’on peut entendre, lire, voir à l’université ou en échangeant avec nos amis hongkongais. Je vous invite à lire le blog que quelques étudiants de Sciences Po tiennent à propos de leur experience au coeur des manifestations. Vous y trouverez peut-être le point de vue que vous cherchez : https://sciencespoahongkong.wordpress.com .