Je ne vous parlerai … pas de Menton !

La mascotte de Menton trône au milieu des drapeaux.

Si vous dites à un pré-pubère dont le cerveau n’est pas encore complètement développé que vous vivez à «Menton», il aura surement le ricanement typique de tout morveux de 5e et vous lancera «tu vis dans mon menton, hohoho». Oui, Menton est un nom aux multiples facettes désignant des choses diverses et variées mais maintenant qu’on a couvert l’humour des boutonneux de douze ans, passons aux choses sérieuses.

Lorsque je me suis proposée pour écrire un article sur le campus Moyen-Orient, Méditerranée à Menton je n’aurais jamais imaginé qu’il s’agirait du sujet le plus difficile qu’il m’ait été donné de relater. Certes, je ne m’étais pas encore essayé à la description des habitudes alimentaires des hiboux et j’avais réussi pour l’instant à éviter le terrain miné (littéralement ici) du conflit israélo-palestinien.

Je ne voulais pas écrire quelque chose, expliquant à quel point mon campus était genialissimement-superbemement-magnifiquement-coolissme sachant que tout mon patriotisme envers les Verts (couleur du campus pour les barbares) était déjà passé dans ma voix cassée par trop d’hurlements au Minicrit.

Je ne pouvais pas non plus écrire un article détaillé, rangé en parties et sous-parties et analysant de manière rationnelle, concise, précise et structurée les différents atouts et faiblesses du système de délocalisation d’une institution élitiste, s’inscrivant dans les cercles proches du pouvoir et élargissant ainsi cette question à celle des fondements même des structures étatiques de l’Etat jacobin ; à moins que j’envisageais d’installer la 6e République ou que mon cycle annuel se rapprochait de l’ours et dans ce cas là j’aurais eu besoin d’un hobby en attendant la fin de l’hibernation.

Et puis d’abord sur quoi écrire? Sur la ville de Menton ou le campus de Menton?

Parce que s’il s’agissait d’écrire sur la ville de Menton, je pourrais élaborer une prose évoquant cette étrange cité, ses artères piétonnes où le temps et l’espace semblent s’être figés dans une photographie jaunie de l’Italie des années 20. Je pourrais aussi laisser ma plume courir sur les différents tons de la Méditerranée, belle, provocante, qui lorsque personne ne l’observe, lorsque nous autres sommes dans les bras de Morphée, se pare de sa plus belle parure et étend ses dentelles d’écume, cette belle robe que seules certaines âmes torturées et que la nuit n’a pas encore dompté, ont réussi à la contempler.
Je pourrais aussi griffonner dans mon billet vierge des piques ensanglantés où je m’irriterais, m’enragerais, je blasphémerais contre cette trop-petite ville, aussi ridée que ses habitants, lieu où la jeunesse et sa frénésie de vivre ne peuvent seulement que survivre. Je pourrais m’écrier contre cette Riviera qui n’est plus «Ordre et beauté, luxe, calme et volupté», qui ne respire que dans les pages du Figaro, ne voit dans son horizon que les yachts, monstres blancs, et qui a perdu sa splendeur d’antan.

La merveilleuse plage de Menton.

Bien sur, je pourrais aussi dépeindre la 11 place St Julien (place du campus), avec ses couleurs mordorées, ses fenêtres donnant sur les rivages d’une Mare Nostrum, plus proche dans les mots de Braudel que sur nos rives.
Je pourrais vous faire sentir l’orientalisme ambiant, peut-être caricatural de ce Moyen-Orient dont on a que trop entendu parler. Je pourrais vous évoquer l’étrange brassage culturel entre tous ces internationaux de pays différents mais qui semblent appartenir à la même sphère.
Je pourrais même faire de l’humour (mais je préfère éviter le massacre), vous faire part de mes inquiétudes face à la puissance du lobby marocain au campus, évoquer la montée de certaines minorités et même faire part du danger de l’impérialisme américain qui s’infiltre jusqu’à Menton pour mieux comprendre la région qu’il compte envahir. Je pourrais, plus sérieusement, vous parler des cours, ceux qui étaient bons, ceux qui ne l’étaient pas, me remémorer le marathon semestriel des e-cours, les batailles permanentes avec l’arabe .. Je pourrais vous décrire pendant des pages et des pages (ou pas) la physionomie de Loulou, mascotte du campus. Je pourrais rêver sur toutes les significations de ce vert mentonnais. Je pourrais, je pourrais, je pourrais..

Je pourrais vous dire beaucoup de choses, vous raconter des souvenirs mais je ne le ferais pas car je pense que pour comprendre Menton, le campus Moyen-Orient/Méditerranée et bien il suffit .. juste d’y vivre !

Par Myriam Amri