Journée des Auteurs 2018 : « A travers le prisme », un joli ca-prisme littéraire

Mi-novembre à Paris. La saison de la rentrée littéraire n’est pas encore tout à fait achevée, et les libraires commencent à peine à mettre en avant les tout nouveaux lauréats des divers prix de l’automne. Non loin du Café de Flore où l’on remet le prix littéraire du même nom, toute une équipe de littéraires sciencepistes s’affaire à mettre en œuvre le salon littéraire de Sciences Po, la Journée des Auteurs (ou JDA pour les intimes).L’événement, loin d’être de prime jeunesse puisque sa première édition remonte à 1947, rassemble ainsi de nombreux auteurs et autrices de littérature française, qu’elle soit généraliste, poétique, jeunesse, spécialisée ou encore non-fictionnelle. Depuis l’an dernier, le salon a lieu au rez-de-chaussée de la mairie du VIIème arrondissement, et accueille le temps d’un après-midi une vingtaine d’écrivain.es pour des séances de dédicaces, les traditionnels échanges qui vont avec, ainsi qu’une série de conférences sur le format « 3 questions à… ».

« C’est l’un des événements les plus emblématiques de Sciences Po », explique Noémie Guez, étudiante en 4A, co-organisatrice de la JDA cette année avec Emile Drousie. Le salon est en effet géré de A à Z par des membres du BDA, avec le financement de Sciences Po. Il nécessite tout un travail en amont, notamment en ce qui concerne les invitations auprès des auteurs et autrices, ou encore des formalités auprès de la mairie. L’inventivité est de mise : « on passe aussi bien par des contacts avec les maisons d’édition que nous connaissons déjà grâce à d’anciennes éditions de la JDA que par les réseaux sociaux ou encore nos contacts personnels », décrit Noémie.

Pourquoi donc aller consacrer quelques heures de son samedi après-midi à aller échanger quelques mots avec tous ces gens de lettres ? Pour notre co-organisatrice, « il y a une atmosphère particulière, une vibration propre à la rencontre avec les auteurs. Ce sont des rencontres très chargées, toujours touchantes, parce qu’un écrivain reste quelqu’un qui ouvre son monde intime à ses lecteurs à travers leurs mots ». Cette après-midi particulière est l’occasion pour les lecteurs et lectrices de mettre des visages sur les mots qu’ils ont découvert, de réaliser qu’il y a bien des êtres de chair et de sang derrière les livres, et de confronter leur propre ressenti aux intentions et à la sensibilité de l’auteur.rice. 

Un autre enjeu de la journée consiste à mettre en avant des écrivain.es qui ne font pas forcément partie du cercle très, très restreint des « grands noms de l’édition française». « La JDA est l’occasion de mettre en avant des auteurs moins connus, pour que les sciencepistes puissent découvrir de nouvelles plumes et de nouvelles approches », souligne Noémie. Cet éclairage est d’autant plus appréciable que l’industrie du livre français, si elle se porte bien, est furieusement déséquilibrée : « on estime que 90% des ventes proviennent de 5% des auteurs ». La JDA permet donc de se laisser tenter par des plumes moins exposées, bref, de consacrer ce qui fait le sel de la littérature, « la diversité et la multiplicité ».

En plus de cette volonté d’éclectisme, l’édition de cette année met l’accent sur le champ des possibles ouvert par « l’art royal » qu’est la littérature. « La littérature est partout, et elle se déploie dans tous les domaines : artistique, pictural, cinématographique, musical… », affirme Noémie. D’ailleurs, la liste des invité.es de l’édition de cette année comporte un musicien-compositeur, Bertrand Burgalat, qui viendra participer à l’une des conférences de la journée pour mettre en lien son art et celui de la littérature, comme en écho au prix Nobel de littérature qu’a reçu Bob Dylan en 2016. Enfin, pour mettre à l’honneur cette porosité entre littérature et autres champs artistiques, l’édition de cette année s’ouvrira par une projection du long-métrage « L’atelier » de Laurent Cantet au cinéma Christine 21, ce vendredi 16 novembre au soir, à 20h45, suivie d’une discussion avec Guillemette Odicino et Alexandra Schwartzbrod. Le film suit une écrivaine animant un atelier d’écriture pour jeunes en voie de réinsertion, et s’intéresse à la façon dont les mots peuvent inspirer, abîmer, ou plus généralement exercer toutes sortes d’influences sur une personnalité.Enfin, la JDA est aussi une réaffirmation de l’intérêt que peuvent avoir les sciencepistes pour la littérature, bien que ces derniers n’aient pas choisi une voie particulièrement connotée « belles lettres ». « Lire un livre, ce n’est pas qu’une histoire d’obligation culturelle ou d’exposés à faire, cela peut et est avant tout une question de curiosité personnelle et surtout de plaisir », insiste Noémie. « Avec la JDA, on veut célébrer la fibre littéraire que partagent une majorité de sciencepistes, et le fait de lire un livre sans pression scolaire, pour sa simple beauté, son caractère divertissant… On peut regretter qu’à Sciences Po la littérature soit parfois un peu absente lors des grandes conférences ou au sein des cours en général, et la JDA est une façon de rappeler qu’à Sciences Po aussi, on aime la littérature ».

Rendez-vous est donc donné ce samedi 17 novembre de 14 heures à 17 heures 30, à la mairie du VIIème arrondissement, pour une édition parrainée par Philippe Jaenada – lauréat du prix Femina 2017 pour La Serpe –, avec Clément Benech, Antoine Bello, Darina Al Joundi, et bien d’autres encore – dont des noms très familiers aux oreilles des sciencepistes comme Bertrand Badie ou Frédéric Gros. Alors que vous vouliez vous ouvrir à de nouveaux horizons littéraires ou négocier un demi-point à votre examen d’humanités politiques, vous savez désormais où passer votre samedi !

Capucine Delattre