Primaire à gauche : des sciences-pistes en campagne

La politique n’intéresse plus, les gens la délaissent, n’y croient plus, n’y voient plus aucune solution, tous baissent les bras. Tous ? Non ! Une poignée résiste encore et toujours à l’envahisseur. Leur résistance est tellement acharnée que, la veille du premier tour, chacun voit une « bonne dynamique » pour son candidat, même quand il fait 6%. C’est beau, l’espoir des militants.

Au terme du premier tour de la primaire organisée par le PS et ses alliés dimanche 22 janvier, Benoît Hamon arrive en tête avec environ 35 % des voies, suivi par Manuel Valls à 31 %, les deux se qualifient pour le second tour, dimanche prochain. Loin derrière, Arnaud Montebourg, le candidat-marinière, fait moins de 20 %. Parti pour rassembler, Vincent Peillon regroupe environ 6% des électeurs. Les autres candidats font chacun moins de 4 %.

Ils sont au Collège universitaire ou en master, ne veulent pas faire de la politique leur métier ou en font déjà un temps-plein. Dans la primaire de « la Belle Alliance Populaire » – qui, de l’aveu même de l’un d’eux, n’est active qu’à Paris – quatre candidats se détachaient à la veille du scrutin que tous voyait incertain. Maëlle Gelin, pour Montebourg voyait s’esquisser un second tour sans Manuel Valls et avec son champion. Raté.

Benoît Hamon, arrivé en tête au premier tour, lors du Grand Oral, le 28 octobre 2015 à Sciences Po. photographie: Yann Schreiber
Benoît Hamon, arrivé en tête au premier tour, lors du Grand Oral, le 28 octobre 2015 à Sciences Po. Photographie: Yann Schreiber

Militant PS depuis la fin de sa première année, Simon Fauquembergue, en master à l’école d’affaires publiques, soutenait Vincent Peillon depuis l’annonce de sa candidature. Suite au renoncement d’Hollande, il a vu dans le professeur de philosophie « le seul capable de rassembler ». Le rassemblement, c’est son mantra qu’il répète à tout va. Mais tout les militants qu’on rencontre connaissent bien leur discours. Julie Vincent, en deuxième année et soutien de Benoît Hamon, déroule pendant deux minutes un argumentaire parfaitement huilé lorsqu’on la questionne sur le revenu universel, cher à son candidat.

La farine de Strasbourg, révélatrice d’une tension autour de Valls

Même chose chez Margot Antoniazzi, dans l’équipe de campagne de Manuel Valls et fondatrice du mouvement jeune qui l’accompagne. De la tension autour de la candidature de l’ex-Premier Ministre ? « Oui, quelques incidents » nous accorde-elle, lâchant s’être elle-même prise de la farine « dans la gueule » à Strasbourg lors du déplacement du candidat le 22 décembre. Mais malgré ce climat « haineux », « revanchard » de la part de « petits groupes identitaires », l’ex-collaboratrice parlementaire de Carlos da Silva (un très proche de Manuel Valls qui l’a « embarquée » sur la campagne) l’assure  : « il y a quand même une dynamique » depuis le second débat télévisé entre les candidats.

Manuel Valls aux cotés de Yann Algan, le 3 novembre 2015 à Sciences Po. Photographie Yann Schreiber
Manuel Valls aux cotés de Yann Algan, le 3 novembre 2015 à Sciences Po. Photographie Yann Schreiber

Les autres ne sont pas tout à fait du même avis, formant ce qui ressemble à un front « tout sauf Valls ». Julie Vincent, celle qui milite pour « Benoît », nous décrit un groupe de jeunes avec Valls ayant reçu de la farine alors qu’ils tractaient. « C’est normal qu’il clive » justifie-t-elle en arguant des revirements sur le 49.3 : « Forcément ça énerve les gens ». Pour Simon Fauquembergue, il est clair que c’est « une candidature qui patine totalement ». Finalement moins que celle de son candidat, qui cumule environ 6 %.

Ce dernier, depuis son engagement auprès des Jeunes avec Peillon, enchaîne tractage entre Paris et la Vienne de ses parents « pour convaincre les indécis ». Pas des plus optimiste, il concède que son candidat « n’est pas celui qui fait lever les foules » face à Valls « qui clive » face à Hamon et Montebourg, « très établis dans les médias ». « C’est dur de mobiliser autour de lui, on essaye de faire de la pédagogie », conclut-il.

Du tractages à la rédaction d’argumentaires

Maëlle Gelin, secrétaire de section du PS Sciences Po, est engagée depuis la fin du printemps aux côtés d’Arnaud Montebourg. Après quelques années de tractage, elle avait envie de « passer à autre chose », et préfère « travailler ici sur du fond ». Au pôle argumentaire de la campagne, elle rédige des notes et des éléments de langage pour l’ex-Ministre de l’économie. Quelques jours avant le premier tour, elle voyait déjà la « bonne dynamique » autour de Benoît Hamon, “il faut être prudent”.

Arnaud Montebourg, le troisième homme de cette primaire, lors du Grand Oral, le 18 octobre dernier à Sciences Po. Photographie Yann Schreiber
Arnaud Montebourg, le troisième homme de cette primaire, lors du Grand Oral, le 18 octobre dernier à Sciences Po. Photographie Yann Schreiber

Beaucoup regrettent une campagne trop courte, où seulement quelques portes-à-portes ont pu être organisés, les vacances ayant coupé la campagne. Margot Antoniazzi ne s’est pas arrêté jusqu’à ce samedi, « seule journée de libre » depuis des semaines. Mais qu’a-t-elle fait au siège du candidat ? « La mobilisation des élus, de la coordination… », un peu gênée, elle ne souhaite pas donner plus de détails. Heureuse d’avoir pris sa césure en cette année électorale, « c’est une certitude », elle s’engagera pour son candidat si celui-ci vient à gagner, tous comme les autres jeunes militants.

Quel impact sur la section PS de Sciences Po ?

Cette primaire touche-elle l’unité de la section PS de Sciences Po ? Sa secrétaire, Maëlle Gelin, assure de l’absence de tension : « Ça a toujours été comme ça ». Avec un centre de gravité plus à gauche que le parti, les militants s’unissent autour de l’opposition à la politique du gouvernement. Aucun militant actif de la section ne s’est rapproché de l’ancien Premier ministre. « Il y un une ligne contre Valls », une « fracture » nous confiait-elle. Quelle positions alors de la section en cas de victoire de Valls au second tour ? Réponse dimanche prochain.