La Fashion Week vue par Helmut le modieux

Descendu des montagnes du Bade-Wurtemberg pour mieux « monter à la capitale », Helmut auto-nommé Wintour se revendique modestement comme étant le gardien universel du bon goût. Snob et intransigeant, il commentera sans détour les micro-tendances et maxi-impairs de la mode.

Chronique #1 Le cropped top

Phénomène relevant à la fois du risque sanitaire et de la vulgarité, donnant le rhume et piquant les yeux, Helmut Wintour s’intéresse aujourd’hui au port du cropped top à l’année.

Bien qu’il adore les accroches tapageuses, Helmut n’en reste pas moins ouvert d’esprit, et nuancé, et subtil, et brillant, et compte bien réfléchir au concept.

Un dessin d'Amandine Le Bellec
Un dessin d’Amandine Le Bellec

Helmut est plutôt sceptique quant à l’envahissement de notre penderie par les vêtements de sport. Le cropped top est apparu dans les années 80, décennie musicalement décisive mais désastreuse en terme d’image. A l’époque, l’aérobic devient un véritable phénomène de société. Souvenez-vous, Véronique et Davina sous la douche après leur cours de sport, nues et du shampoing plein les yeux, au son de toutouyoutou. Helmut, de son côté, emmenait son premier rencard voir Flashdance… Bref, le sportswear triomphe.

Le cropped top devient réellement tendance avec Madonna, à l’instar de tous ces petits riens d’une grande élégance tels la résille, le legging ou le bijou-crucifix. Depuis lors, il est remis à la mode chaque décennie par des chanteuses pop au goût discutable – Britney, oups you did it again  – et par des clips un tant soit peu sexistes – Call on me d’Eric Prydz, pour n’en citer qu’un.

Helmut apprécie le bon sens québécois, qui veut qu’un cropped top soit appelé un chandail bedaine, ôtant tout le glamour de l’appellation anglaise et révélant le paradoxe d’un vêtement inadapté aux températures continentales 345 jours sur 365.  Mais pourquoi vouloir montrer sa bedaine ?

Un dessin d'Amandine Le Bellec
Un dessin d’Amandine Le Bellec

Le néo-sexy a rangé au placard le décolleté tapageur et la mini-jupe, laissant place au dos nu et à la transparence. Pourquoi ne pas dévoiler alors de sa féminité à hauteur abdominale, notamment lorsqu’il s’agit de contrebalancer un pantalon pas toujours flatteur – ok je porte un Jean Mom, ok il  me fait une culotte de cheval alors que je fais du 34, and so what ?

Le cropped top serait une touche de sexy mais pas trop, de féminin mais pas trop, histoire de maintenir sa street cred de pseudo garçon manqué tout en exhibant un ventre archi-plat à la Kendall Jenner.  En effet, le cropped top oscille entre l’insoumission de Sharni Vinson dans Sexy Dance 3 et l’innocence d’une Lolita. De quoi éveiller beaucoup de fantasmes, Helmut le concède.

Supposons que le ventre soit la quintessence d’une féminité sacrée, puisqu’il est susceptible de porter la vie ; exhiber son nombril constituerait-il un acte d’émancipation ? Révélé à tous les regards et symboliquement à tous les dangers, il serait alors un pied-de-nez à la ménagère morale et proprette – et accessoirement à ses vergetures de grossesse. Helmut se demande toutefois si dévoiler son ventre ne servirait pas uniquement à augmenter son quotient faussement rebelle, en frôlant les règles de bienséance et de pudeur, tout en évitant les affres ordinaires de la bimbo.

Si le cropped top fait son petit effet, il apparaît d’une part comme une facilité de style, d’autre part comme carrément mainstream, puisque porté par 80% des papesses de la télé-réalité et autres adolescentes lookées d’Instagram. Magnanime, Helmut propose une alternative ; le cropped top sera préféré associé à un bas taille haute afin de souligner la taille et de laisser apparaître un peu de chair. Repêchage in extremis, Helmut a bon cœur.