Le Ciné-club, « à bout de souffle » ou sur une nouvelle vague ?

Le ciné-club est une vieille association à Sciences Po. Elle est permanente, ce qui lui évite la recherche désespérée de voix pour être reconnue et Péniche. Elle dépend du BdA, tant pour la nomination de son responsable (Quentin Jagorel actuellement) qu’au niveau financier. Cependant, ce caractère indéboulonnable lui fait courir le risque permanent de sombrer dans la routine et le train-train hebdomadaire de la projection de films au 13 rue de l’université, le mercredi soir. Qu’en est-il ? N’y a-t-il au fin fond des sous-sols de Sciences Po qu’une antre réservée aux semi-professionnels du cinéma, friand de Nouvelle Vague japonaise et autres « films élitistes » ?

424664_4322666117189_74691409_n.jpgC’est le sort de tous les ciné-clubs de se heurter à l’hostilité d’un public plus avide de blockbusters que de films d’art et d’essais. Pourtant Pierre-Louis Lagnau, responsable des projections (et les plus informés d’entre vous auront reconnu en lui le héros de la série Sciencespiste, 27), tient à se démarquer de cette image: les cycles de films choisis par l’équipe du ciné-club (une petite dizaine de personnes) ne sont pas de ces films dont le seul titre de gloire est d’avoir été vu par moins de 100 personnes. Ce sont plutôt de grands classiques du cinéma, français et étranger, de Truffaut à Lynch, Kubrick, et de grande qualité. D’ailleurs, des cycles par réalisateurs sont organisés, et ce semestre, c’est Nanni Moretti qui est à l’honneur, avec son dernier film, Habemus Papam, sorti en 2011. De plus, et pour dérider les derniers hostiles à l’intellectualisme germano-pratin supposé du ciné-club, un cycle « pop corn » est prévu. L’idée est de faire un cycle de blockbusters hollywoodiens à gros succès , le tout saupoudré de pop-corn, histoire de se détendre un peu pendant la dure scolarité de Sciences Po. On pourra ainsi (re)découvrir dès demain le chef-d’oeuvre de Kubrick, considéré par d’aucuns comme le rival de l’Exorciste : The Shining.

La fréquentation des séances semble plutôt importante: une moyenne d’une trentaine de spectateurs, la plupart revenant régulièrement. Avec un pic pour le premier film de la saison, « Eyes Wide Shut », ou encore l’excellent « Blow Up ». Pierre-Louis regrette de ne pouvoir satisfaire un maximum de personne en ne proposant qu’une seule séance, mais les salles de Sciences Po ont un taux d’occupation particulièrement élevé, et le ciné-club ne dispose que du mercredi soir de 17h à 21h pour diffuser ses films. Pour tâcher d’améliorer la situation cette année, lorsque le film est suffisamment court, on pourra assister à deux séances à la suite. En revanche, pas de débat d’après film, l’équipe craignant trop de se retrouver seule à répondre à ses propres questions. A défaut, des intervenants commenteront parfois la séance -mais ils sont rares et peu disponibles.

548761_532083753475430_1565090449_n-1.jpgCependant, le ciné-club ne se réduit pas seulement à des projections hebdomadaires: un magazine, sortiedusine.org, en référence au premier film de l’histoire du cinéma par les frères Lumières, accompagne la vie du ciné-club en publiant quotidiennement un à deux billets. On y trouve critiques de films -par des plumes très affinées-, idées de sorties autour du cinéma, billets d’actualité sur le 7ème art… De plus, le contenu est original par rapport au magazine papier, lui bi-annuel. Cette initiative ouvre des perspectives passionnantes pour le ciné-club. Il peut devenir via ce blog, et pourquoi pas en accordant une place pour des débats, un réel lieu de discussion autour du cinéma. Il faut croire que le ciné-club, fondé en 1971, aura su faire sien le talent du cinéaste, qui, comme le notait André Bazin, « s’il ne sait pas évoluer avec son art, ne dure guère plus d’un lustre ou deux ».

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