M. Assouline: Knut l’ourson et vin blanc

Huh, huh, huh… Quand un prof de lecture à Sciences Po pond un livre, ça peut être redoutable, féroce, sanglant même. En tout cas, c’est ce qu’on espère… J’ai ouvert Rosebud, éclats de biographie hier soir, et j’y croyais à mort. Pierre Assouline mon super ex maître de conf de lecture, le Johnny Montana de la littérature… Avec lui rien ne passait, tout trépassait, et ensuite on disséquait… Un peu de Simenon par ci, un morceau de Cioran par là, et entre les deux une oreille de Van Gogh. Bref, pour son livre j’étais archi-partante. Et puis j’ai attaqué la première page, et là boum ! J’ai senti la première piqûre de la mouche tsé tsé… Brrr… Mais je me suis accrochée, parce que c’était lui, parce que c’était moi… En refermant la dernière page – ouf ! – j’ai su que j’avais bien fait. Votre livre Mr Assouline, il faut le lire quand même, voilà pourquoi…

1) Chapitre 5 déjà ? Yeah, c’est l’heure de la coupette !

Rosebud, éclats de biographie ressemble un peu à ces assocations écolo qui veulent sauver les pandas : une bien belle cause, une noble idée, mais alors… pfiouu la bérézina dans les faits. Les faits dans votre cas, Mr Assouline, c’est le Rosebud, celui d’Orson Welles, celui de Citizen Kane, qui vous a très clairement ému jusque dans les cheveux et vous a décidé une bonne fois pour toutes : écrire sur ces quelques hommes qui vous hantent et vous fascinent et conjuguer la luge en bois en sept mini biographies émouvantes et graves. Oui, j’ai bien dit biographies, et c’est là que le vin blanc intervient… Parce qu’on est d’accord qu’une biographie déjà, c’est hard-hardu, mais sept…WOW, vous voulez notre mort hein, c’est ça Mr Assouline. Surtout que vous ne parlez que de ça, la Mort qui rôde…Ce n’’est pas gai, vous auriez pu nous prévenir. Du coup, à partir de la 7ème page, lue après trois pauses-clopes (pour se donner du courage) et une pause google (pour vérifier qu’il y a eu au moins une bonne critique quand même), je m’octroie le droit d’entammer la bouteille de blanc. Et sans culpabilité hein, Mr Assouline est là pour rééquilibrer les forces de toute façon. Lui il fait la partie Proust, Célan, Kipling et Jean Moulin, et je me charge de lui apporter mon soutien. Tiens la prochaine soirée promo s’il veut je viens… En tout cas, l’essentiel c’est qu’à partir du deuxième verre, je redeviens fan. Pierre Assouline c’est Pierre Assouline. Le vin blanc c’est le vin blanc. Les deux ensemble, c’est parfait.

2) Knut qui fait des galipettes.

Parlons un peu de votre style, M. Assouline. En conférence, par exemple, il est merveilleux. On vous écoute la bouche ouverte, on se jette sur nos feuilles quadrillées pour noter les anecdotes diamantées qui tombent de votre bouche comme de l’or. Les deux heures passent tellement vite. On pleure d’une vraie tristesse à la fin. Et si on rate une conf, on a le coeur broyé, on lance même une pétition pour en organiser une de rattrappage… ô larmes… Dans Rosebud, visiblement, Proust vous a tourné le sang. Non que vous fassiez des phrases à rallonge, mais enfin c’est tout comme. L’histoire du fils de Kipling vous prends trente deux pages (la fin est belle, je reconnais), celle de Celan une bonne vingtaine… Je vais m’arrêter là, par respect. Pourtant, je me disais …vous savez qu’à Sciences Po on est très “deux parties-deux sous parties” et que chaque détail dilué dans trois litres de réflexions profondes ça nous ratatine. Alors vous abusez M. Assouline, qu’est-ce qu’on vous a fait? Toutefois, ne vous y trompez pas, malgré tout, je vous aime mille fois plus que Florian Zeller, ses mêches folles et ses yeux fous. D’autant que même s’il est chou, lui ne ressemble pas à Knut faisant des galipettes quand il écrit. Parce qu’il est jeune et un peu pédant me direz-vous… N’empêche, avec vous on s’attendrit… Ce petit coeur qui bat que vous nous offrez… C’est touchant tout de même. On vous embrasserait presque si on osait.

3) France Culture et Radio Nostalgie.

C’est la dernière raison, celle qui s’additionne à l’effet Knut et vin blanc, celle qui me fait dire « Lisez ce livre ! ». C’est que même si vos pages sont diluées, même si j’ai arrêté de compter les piqûres tsé tsé après la 28ème, votre travail recèle des trésors de culture. Et avant un diner mondain, un chapitre ça donne des armes. Le premier qui commencera à parler peinture kurde contemporaine pour étaler sa science, on lui enverra Le chant du cornette de Rilke-le-guerrier dans les dents, ça le calmera. Et s’il moufte, on l’achèvera en vous citant vous. Sûr qu’après ça, les gens vont nous respecter. Ils diront « BHL ce mariole …».

Alors, oui, Mr Assouline, votre livre était affreusement long et étiré, mais il valait le coup. D’abord parce qu’il m’a rappelé tous vos cours, vos yeux qui pétillaient, votre voix douce et passionnée… Et ensuite, eh bien parce que ça m’a rassurée sur mes compétences d’écrivain. No offense.

4 Comments

  • Nathalie

    AH AH…Attention c’est la minute culture…

    Le Rosebud "bouton de rose" en anglais est aujourd’hui un terme à connaître. Ouvre grand tes oreilles Ô Fan de Sims…

    Dans Citizen Kane (Orson Welles-ce Dieu, 1941), tout commence et tout s’achève par le Rosebud…
    "Ayant conquis le monde, un homme perclus de solitude" (pour citer Mr Assouline) prononce juste avant de mourir ce mot "Rosebud", en lâchant une boule de cristal renfermant un paysage de neige…Incongru, énigmatique…Personne ne comprend de quoi il s’agit… Un jeune reporter, Thomson, décidé à percer le mystère enquête sur la vie du milliardaire. Mais, pour la faire courte, il ne trouvera jamais la réponse au "Rosebud"…

    Seul le Orson Welles et nous la connaissons… La dernière image du film montre une luge en bois, LA luge en bois de Charles Kane, le sus-nommé milliardaire, brûlant dans une cheminée perdu dans une pièce rengorgeant des souvenirs du vieil homme, à l’heure où l’héritage jugé inutile et sans valeur est bazardé…
    La luge en bois porte le nom de …"ROSEBUD" ! Mais déjà, elle n’est plus que cendres… L’enfance de petit garçon chevauchant sa luge dans la neige s’efface…disparaît…

    Instant poignant, larmes, nostalgie, souvenir du pot de Nutella..

    Le Rosebud résume les souvenirs doux amers du passé, la nostalgie de l’enfance heureuse et innocente… La pureté..

    Pierre Assouline-cet autre Dieu, est parti de cette métaphore pour débusquer "ce petit rien qui nous trahit en nous révélant aux autres" (P.A hommage)… La curiosité l’a poussé à enquêter sur cet infiniment petit qui nous résume, qui nous incarne…en se penchant sur les fascinants personnages qui le fascinent depuis toujours, faut croire… : Kipling, Celan, Jean Moulin, et je rajoute Jean Paulhan, J. D. Sallinger et Maurice Blanchot (tous dans les cours de Mr Assouline).

    AU PASSAGE, MINUTE PUB :

    Prenez les cours de Pierre Assoulien, il est TOPISSIME.

    N’hésitez pas un instant… Surtout si c’est pour hésiter entre lui et Florian Zeller hein… On se comprend…

  • Nathalie

    J’ai envie de dire : les commentaires spirituels sont les bienvenus…

    Ca va Le Roux… Joke box is on…