« Plus chauds que le climat » : la jeunesse dans la rue le 15 mars pour sauver la planète

Vendredi 15 mars 2019, les étudiants du monde entier étaient appelés à la grève pour le climat. Ce mouvement mondial des « Fridays for future » a été initié par la désormais fameuse Greta Thunberg. La Suédoise de 16 ans a commencé son mouvement de protestation devant le Parlement de Stockholm en août, et ne cesse depuis de rallier les jeunes générations à la lutte décisive mais morcelée contre le réchauffement climatique. Les jeunes Français ont marqué le coup et rattrapé leur retard de mobilisation ce vendredi 15 mars avec des rassemblements partout en France. La marche parisienne, qui a rassemblé entre 35 000 et 50 000 personnes, opérait un exquis mélange entre slogans bien sentis, naïveté salutaire et élégance collégienne.

Photo : Capucine Delattre

Pancartes, abribus et sourires.

Le rassemblement place du Panthéon permet d’admirer la ponctualité des collégiens, lycéens et étudiants qui remplissent la place et la rue Soufflot à 13 heures pétantes. Les visages sont souriants, festifs, parfois masqués par le voile d’inquiétude des 5èmes pour qui c’est la première manif. Les chants et l’engouement sont sublimés par l’enthousiasme d’ados ravis de louper les cours de techno et de musique qui leur étaient promis. A la place, slogans et pancartes fleurissent, dans une effervescence incontestable. Les plus jeunes ont des pancartes soigneusement travaillées, malheureusement peu servies par la taille de leurs auteurs. Certains arborent de plus nonchalants bouts de carton sur lesquels a été bâclée une phrase mal sentie. Mais l’imagination est prolifique, et on note des perles telles « parce que c’est notre planèèèèèète », « moins de banques, plus de banquises », « moins de degrés pour ma planète, plus pour ma vodka » ou les plus fins « chauffe mon clito, pas ma planète » et « le climat du Gabon, seulement dans mon caleçon ».

Du côté chant, les 50 000 jeunes Parisiens ont vite fait le tour et cherchent une alternative au sympathique mais redondant « Et 1, et 2, et 3 degrés. C’est un crime contre l’humanité ». Des Marseillaises sont entonnées pour combler le vide, preuve que les cours d’EMC ont été moins inutiles que prévu. Le reste des chants est remarquablement hétérogène, passant sans transition de « tout le monde déteste la police » à « Djadja » d’Aya Nakamura. De quoi symboliser la diversité des profils qui défilent du Panthéon aux Invalides, entre collégiens à Henri IV et syndicalistes de Tolbiac.

La marche se dirige donc progressivement vers les Invalides, via le Boulevard Montparnasse. Les abribus sont pris d’assaut par les bandes de garçons de 4ème en quête d’adrénaline et par les militants du NPA. Le cortège suit tranquillement son cours, dans une sérénité heureuse qui facilitera d’autres mobilisations futures. L’arrivée sur la place des Invalides se fait autour de 15h30, permettant à la foule des jeunes militants de se rendre mieux compte de l’ampleur de la mobilisation. Les pelouses sont vite accaparées par les groupes d’amis, ce qui donne au air amusant de pique-nique de sortie scolaire à la fin de la manifestation.

Collégiens et sciencespistes : retour en arrière et même combat

A Sciences Po aussi la cause du climat a mobilisé, et c’est toute une délégation de sciencepistes qui a envahi le Boulevard Saint-Germain pour se joindre au rassemblement du Panthéon autour de 13 heures. Conséquence de deux AG climat particulièrement suivies, ce mouvement massif des étudiants de la Rue Saint-Guillaume est tout sauf étonnant. Rien ne pouvait plus mobiliser les foules que cette cause du climat déjà très présente à Sciences Po, entre discussions sur l’empreinte carbone, revendications sur les financements de l’école, passage aux touillettes en bois et conférences sur la transition écologique.

De nombreux sciencepistes se sont donc joints à la fête, faisant eux aussi la grève des cours. Le directeur Frédéric Mion avait depuis le début de la semaine annoncé que l’après-midi du 15 mars serait banalisée, enlevant un peu de panache à cette grève des cours qui se voulait subversive. Une fois sur place, les étudiants à Sciences Po se sont retrouvés immergés dans cette foule unique de collégiens remontés à bloc. L’occasion pour chacun de, entre deux slogans, se remémorer les particularités amusantes de cet âge pas comme les autres. Les collégiens qui ont marché pour le climat ont un mérite incontestable : ils n’ont pas profité de cette journée de grève pour aller jouer à Fortnite. Ils forment une masse de Nike, de doudounes Redskins et de sweats Quiksilver. Les garçons sont soit timides soit très bruyants, alors que les filles naviguent en bande, cheveux aux épaules et pantalons larges.

C’est à ces collégiens parisiens que se sont joints les étudiants à Sciences Po. Une sorte de réminiscence de leur vie d’avant, le militantisme en plus.

Photo : Capucine Delattre

Quelle suite ?

Le mouvement de grève mondiale ne devrait certainement pas s’arrêter là. Ce n’est pas maintenant que les Français sont entrés dans la danse du climat que les jeunes Tchèques, Suédois et Belges vont abandonner les « Fridays for future ». Les prochains vendredis seront sans doute encore le théâtre de mobilisations à travers le monde. Si certains profs et proviseurs tenteront sans doute de resserrer la vis lundi matin, il n’y a pas de raison pour que ce prometteur mouvement du 15 mars n’ait pas de suite.

A Sciences Po aussi, la tendance est de suivre le mouvement de Greta Thunberg. De futures AG ou actions concrètes ne sont pas pour l’instant prévues, mais l’histoire ne devrait pas s’arrêter rue Saint-Guillaume.

Cette marche aura permis d’afficher la forte mobilisation des jeunes Français. En France, c’est plus de 100 000 collégiens, lycéens et étudiants qui ont manifesté pour que les élus prennent leur responsabilité face à l’immense danger du réchauffement climatique. La spontanéité et l’ampleur de cette mobilisation de la jeunesse sont d’autant plus salutaires qu’elles tranchent avec le sinistre constat de la journée de manifestations du samedi 16 mars, assombrie par les diverses destructions en marge des rassemblements des Gilets Jaunes et pour le climat. Le 15 mars, ce n’étaient que des jeunes, des élèves encore naïfs, souvent dépolitisés, se souciant sûrement plus de leur prochain iPhone que du tri sélectif. Mais ils étaient tous là. On ne leur demande pas encore d’être rationnels, sérieux et cohérents. Ils devaient simplement être là, crier et chanter avec ferveur, pour faire bouger les lignes d’une situation de plus en plus préoccupante.

Simon Le Nouvel