PPS 2019 #4 – Un Prix Particulièrement Séduisant

Mercredi, c’était le PPS. La Péniche, digne « Pravda de  SPK » comme mentionné durant la reprise des performances des finalistes, se permet de revenir vers vous pour clore sa chronique avec ce dernier volet. Rappelons-le : nous avons eu la chance cette année encore de pouvoir compter sur un jury de grande qualité, composé de personnalités publiques comme la Ministre Brune Poirson, l’ancien Porte-parole du Gouvernement Monsieur Benjamin Griveaux, ou encore Madame Yaël Braun-Pivet, Présidente de la Commission des lois à l’Assemblée Nationale.Au vu de leur appartenance plus ou moins directe avec la sphère politique, nous leur avons demandé s’ils venaient assister à cet événement pour recruter leurs futures plumes. Si Mesdames Vallaud-Belkacem et Poirson ont saisi la blague et ont contre-attaqué innocemment qu’elles venaient voir « quels talents sont en train de pousser, et comment les aider à l’avenir », Monsieur Griveaux nous a sciemment rétorqué « pourquoi pas… D’ailleurs, je sors justement d’un entretien avec une potentielle future plume, peut-être serai-je ici encore plus conquis ! ». Madame Braun-Pivet, elle, a déjà ses plumes, mais nous a rapporté que celles-ci avait justement été « très intéressées par les sujets que Sciences Polémiques avait choisi pour la finale, qu’elles ont trouvé très stimulants ».Les six finalistes, quant à eux, nous ont desservi des discours royaux et pleins d’âme. On rit encore en repensant à la mise en scène d’Antoine. A la manière d’un one man show, sa prestation fut une fois de plus d’une originalité déconcertante, provoquant le rire gras du sciencepiste du 13e rang comme celui du jury : pendant les premières minutes de sa mise en scène, il décida d’interpréter une cigarette, dénommée Ricky, et d’en conter les mémoires.

Abasourdissant d’un même coup le spectateur étonné et le jury charmé, il réussit à ne pas se faire allumer par le jury au moment des questions, notamment par la question de Najat Vallaud-Belkacem qui, rappelant que le jeune homme s’était présenté comme “ayant peur des petits suisses”, lui demanda s’il n’était pas xénophobe. Antoine démontra une fois de plus que l’humour n’inhibe pas l’intelligence, en établissant un savant parallèle entre l’emballage particulier de ces desserts et la position du pays éponyme sur la scène géopolitique internationale.

Antoine, finaliste du PPS 2019

Romane, comme en demi, s’est imposée par son style décapant et brûlant de réalité : axé sur les inégalités et les violences faites aux femmes, son texte poignant s’est emparé des mots pour jongler avec. Des “espoirs avortés de l’Argentine”, aux “mots roses qui devraient être bleus”, notre oratrice poitevine s’est, une fois de plus, illustrée dans la poésie et l’engagement. On a particulièrement apprécié son envolée vers la fin de son discours, presque théâtrale mais en même temps très empreinte de véracité. Et c’est le surgissement furtif d’un foulard vert, comme sorti tout droit de sa poitrine et tendu avec fierté par Romane déclamant “Hasta la victoria, siempre !” qui vint conclure une performance qui nous a marqués. Elle voulut donner un visage aux femmes, avec leurs doutes, leurs peurs, leurs joies et leur refus de l’injustice ; elle le réussit parfaitement.

Romane, finaliste du PPS 2019

Le quatrième candidat à défiler sous nos yeux ébahis n’était autre que Clément, élève en deuxième année et membre de l’association Sciences Polémiques. Ce dernier a pu discourir sur une citation de la poétesse suédoise Karin Boye : « Sens comme est proche la Réalité ; elle respire tout près d’ici dans les soirs sans vent. »

Clément, deuxième prix du PPS 2019

Sa prestation qui lui valut d’atterrir à l’excellente seconde place du podium commença fort avec une imitation du ministre de l’Intérieur Christophe Castaner ivre, rappelant la sortie de celui-ci en boîte de nuit parisienne. De quoi décoiffer Benjamin Griveaux ! Décapant, Clément brilla par ses traits d’esprits tous plus farfelus et spirituels les uns que les autres : se comparant à « Sire lance-l’eau l’hydraté », en passant par Depardieu ou Baudelaire, l’orateur aura su nous faire goûter aux paradis artificiels. Plus sage au niveau des questions, Clément rappela avec justesse un des travers potentiels de l’art oratoire : celui de s’entendre parler. Qu’on le rassure, ce fut loin d’être le cas !

L’élocution de Martha nous a également beaucoup plu. Partie pour donner des conseils avisés sur comment faire du catamaran, l’oratrice s’empara de sujets d’actualités comme ce que certains appellent la crise migratoire : “ aux dernières nouvelles, un texte de loi, ça ne flotte pas” dit elle rageusement à propos des législations européennes qui embourbent l’arrivée et la bonne prise en charge des réfugiés à Lampedusa. Celle qui “aime [se] battre avec les flots pour envoyer au tapis l’idée que le monde est figé” séduisit le Jury, qui lui accorda la première place de l’édition 2019 du Séguin.

Martha, vainqueure du PPS 2019

Last but not least, Hicham, élève en première année sur le campus de Paris, allia poésie et humour sur un sujet de l’autrice libanaise Nadia Tuéni : « Mes yeux ont la couleur ouverte des absences. » Maniant avec brio les codes de l’humour Internet et l’amour des jolies phrases, Hicham délivra une véritable ode aux rêveurs. Si le jeune orateur s’agace volontiers des « à quoi tu penses ? » lorsque celui-ci paraît dans la lune, il se montre plus vulnérable en admettant que dire « je t’aime », c’est « marcher sur des œufs. » Remportant la troisième place du prestigieux concours, Hicham nous montre que son potentiel ne peut que continuer à mûrir en deuxième année, et nous sommes les premiers impatients de le voir délivrer de nombreux autres discours, tous plus pétillants les uns que les autres.

Hicham, troisième prix du PPS 2019

Comme le rappela Bénédicte Durand, cet événement qu’est le Prix Philippe Séguin permet à “la joute de devenir un jeu, aux paroles d’être une fête”. Merci donc aux six finalistes pour leur audace, leur talent, leur maîtrise des cordes du vocal, et surtout, pour s’être confiés à nous, seuls sur la scène illuminée, le cœur rayonnant de bon mots.

Sabine Audelin et Etienne de Metz

Photos de Louise Raillard