Prix Philippe Séguin : l’éloquence pour l’éloquence a de beaux jours devant elle

Photographie : Maximilien Bouchet pour le PPK.
Photographie : Maximilien Bouchet pour le PPK.

Depuis lundi, le concours d’éloquence de Sciences Po, le Prix Philippe Séguin permet aux étudiants d’affronter la peur la plus répandue et la plus commune dans la population : la glossophobie. Si comme 75% de la population, vous ressentez un certain degré plus ou moins élevé de peur quand il s’agit de parler en public, nous espérons que vous essayerez de la surmonter en participant à l’incontournable Prix Philippe Seguin. 

Un temps fort de la vie étudiante

Créé il y a 5 ans par l’association Sciences Polémiques, le Prix Philippe Séguin (le « PPS ») ne cesse de prendre de l’ampleur au cours des années : la compétition est devenue en moins d’une décennie l’un des temps forts de la vie étudiante.

L’organisation d’un tel évènement est donc fastidieuse : « une quantité de travail phénoménale mais une belle aventure », pour Grégoire Durand, membre de Sciences Polémiques et organisateur du prix cette année.

Le succès du Prix s’explique sans doute en partie par le mérite qu’il a de refléter parfaitement l’esprit de l’école : une école de la parole qui forme des orateurs polyvalents capables de faire circuler leur idées et d’embellir la pensée par l’art de la rhétorique. Et le PPS a une véritable volonté fédératrice : ce qui fait la spécificité de cet évènement c’est qu’il réunit tous les étudiants, indépendamment de l’année d’études ou du campus.

Le véritable enjeu de cette sixième éditon était d’ailleurs d’intégrer totalement les campus délocalisés à cette grande fête : « pendant un petit mois, des gens de Sciences Po qui ne se connaissent pas forcement font des discours, rient et réfléchissent ensemble autour de l’éloquence. Le PPS constitue une belle expérience et une très bonne ambiance pour tous ceux qui y participent, en tant que candidat ou de public» explique Grégoire Durand.

Pierre Chellet lors de la finale du Prix Philippe Séguin 2014.
Pierre Chellet lors de la finale du Prix Philippe Séguin 2014.

La consécration du « Sciences Pipo » ?

Cependant, le PPS ne se développe pas sans que de nombreuses critiques soient formulées à son égard. D’aucuns déplorent que cet évènement représente bien l’esprit de Sciences Po : faire beaucoup avec peu ; des discours sans fond, très caractéristiques de « Sciences Pipo » ; un prix de « sophistes » etc.

Pourtant, « l’éloquence pour l’éloquence » ne semble être que le premier niveau du PPS. La maîtrise de l’éloquence n’est pas vaine et inutile. Au contraire, elle représente un outil essentiel pour être capable de défendre ses idées devant un public. Il ne faut pas non plus négliger le plaisir de la parole, celui d’échanger et de partager des mots et des idées : « le PPS, c’est le plaisir de parler ensemble, de partager l’amour des mots. […] Je ne dis pas qu’il a un intérêt politique ou autre mais il est extrêmement rassurant de savoir que l’on peut encore se rassembler dans un amphi pour dire des choses et communier dans l’amour qu’on a de la parole et du débat » nous expliquait Bertrand Périer lors de l’interview qu’il a consacrée à la Péniche sur Philippe Séguin.

« Le Prix Philippe Séguin, c’est le plaisir de parler ensemble, de partager l’amour des mots. […] Je ne dis pas qu’il a un intérêt politique mais il est extrêmement rassurant de savoir que l’on peut encore se rassembler dans un amphi pour communier dans l’amour qu’on a de la parole et du débat » Bertrand Périer

Pour Grégoire Durand, le PPS reflète bien l’esprit de Sciences Po, mais son bon côté : « les discours du PPS reflètent bien la diversité des élèves de Sciences Po. Le PPS ne tend pas à stigmatiser les élèves de Sciences Po mais à leur donner le goût de la prise de parole en public.»

Les critiques portent aussi souvent sur la superficialité des sujets traités. A ceux qui considèrent que les discours ne présentent pas de fond, les anciens participants répliquent qu’il n’y a qu’à voir le temps et l’effort qu’ils ont fournis pour les préparer. Les sujets sont volontairement décalés : selon Grégoire Durand, il s’agit de « laisser plus de liberté à l’étudiant.  Les plus beaux discours sont ceux qui mêlent les éléments drôles et le côté absurde du sujet avec des éléments culturels et philosophiques qui réussissent à faire passer un message ».

De même Yanis Rahim, finaliste du PPS en 2014, soutient que la préparation du PPS n’est absolument pas superficielle. « On attend du candidat qu’il surprenne son audience. Même si le sujet est en apparence superficiel, le traitement du sujet est très profond. » Tout l’art du PPS se trouve dans cette difficulté : « rendre un sujet qui a l’air assez vide, en une parole drôle, profonde et poétique ».

Les sept finalistes de l'édition 2014 du Prix Philippe Séguin.
Les sept finalistes de l’édition 2014 du Prix Philippe Séguin.

 Une critique illégitime d’un art qu’il faut pérenniser

Le rôle du PPS est aussi fondamental pour l’avenir de l’éloquence, un art qui a tendance à s’affaiblir selon Yanis Rahim : « les avocats plaident de moins en moins et la parole est très verrouillée et maîtrisée dans les médias ». L’art oratoire possède une certaine esthétique et requiert du talent, de la sensibilité et de la culture.

L’intérêt qui lui est porté semble donc légitime, dans la mesure où l’éloquence est aussi un vecteur dont la maîtrise est essentielle pour faire passer ses idées et ses convictions. Le PPS est alors la compétition par excellence qui permet de se frotter à l’art oratoire et de le remettre à l’ordre du jour.  

Enfin, d’autres diront que les membres de Sciences Polémiques sont fortement favorisés par le jury, au vu du pourcentage qu’ils représentent parmi les finalistes. Cependant, cette critique ne semble pas fondée : « les membres de Sciences Polémiques sont naturellement des gens investis et intéressés par l’art oratoire depuis leurs débuts à Sciences Po. Il n’est donc pas étonnant que le travail qu’ils ont fourni ait un impact lors des sélections » défend Yanis Rahim. Il prend d’ailleurs pour contre-exemple son propre parcours en assurant qu’il n’avait ressenti aucune barrière de la part des jurés malgré sa non-affiliation à Sciences Polémiques. Tout est donc possible au Prix Philippe Séguin. Rendez-vous le 15 mars à 17h30 pour en avoir le coeur net.

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