Réponse : Lana Del Rey, Born to Die

La malheureuse Lana Del Rey, douce voix sortie des tréfonds new-yorkais passait à la guillotine en six, sept paragraphes sur LaPéniche.net, et ailleurs sur la toile. Mais comme le monde n’appartient pas aux hipsters, la contre-critique pullule… La belle a le mérite de ne laisser de marbre personne, depuis quelques suaves déclarations d’amour susurrées sur fond de clip bricolés maison. Qu’a t elle compris, depuis les échecs de sa voix auparavant haut perchée et de sa blondeur fadasse ?

lana blue jeans
Qu’elle n’avait rien à perdre à révéler sa personnalité et son univers torturé, ou bien qu’un tel personnage serait bien plus vendeur. Est-il si important d’aller chercher la vérité, quand on peut se contenter, facilement, d’apprécier le résultat ? Car il est pour le moins séduisant. Lana Del Rey ne se sera pas contentée d’afficher une moue boudeuse pour appâter le client, ou de lui montrer le (très) haut de ses cuisses au Grand Journal ; les paroles tantôt amoureuses, tantôt désespérées, parfois cruelles, auront scellé un univers qui lui est propre. Visuellement, les clips nous parlent d’une Amérique à la fois cliché et multiple, où les starlettes bourrées titubent, où les gens rient dans les piscines, et où quelques skaters profitent de couchers de soleil pour enchainer les figures.

Ces instants volés à d’autres ont un goût de pris sur le vif, ou chacun se retrouve un peu, tandis que la voix traîne, suave… Le piège est tendu. Après Video Games, on succombera à la mélodie de Blue Jeans, et on reconnaitra à Lana sa divine beauté qu’elle aura eu soin de souligner en utilisant Jessica Rabbit dans Kinda Outta Luck. Même sa vulgarité est soudainement intéressante ; les faux ongles et les laids bijoux, les lèvres grosses, accessoirisés d’une couronne de fleur ou d’une bouteille de whisky ont quelque chose d’un second degré qu’on proposerait bien aux artistes pop et R’n’B qui saturent les ondes radio.

On lui reproche de n’avoir finalement rien inventé, que les histoires d’amour dramatiques sont une thématique aisée et trop vue. Les amours impossibles vendent, certes. Roméo et Juliette, Bonnie & Clyde, Bella et Edward l’ont prouvé, en bien et en mal. Mais tout participe chez la chanteuse d’une même histoire traitée esthétiquement. Les paroles racontent une femme belle, triste, désespérée, accro comme à une drogue à un homme tragiquement destructeur, encore et encore… Mais Lana a le mérite d’être sale ; un corps couvert de sang dans un clip (Born to Die) et qui éclabousse les paroles dans la pochette de l’album n’a rien de trop fréquent. Un acteur à la beauté douteuse et au front tatoué sert autant le propos de la fragilité de la vie (veut-on vivre vieux avec une inscription en latin sous la racine des cheveux ?) que celui de la douleur, celle que l’on s’inflige à soi, en aimant toujours mal.

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Avec deux drapeaux américains flottant dans la brise, un plan en noir et blanc sur les lettres formant « Hollywood » sur la colline, et un « National Anthem » avec feu d’artifice, Lana se veut la petite veuve noire de l’Amérique. Ce n’est pas parce qu’on a une grosse bouche que l’on n’a pas de culture. Aussi ressort-elle, parmi cette foule de références qu’elle fait siennes, une « Lolita » que Nabokov avait voulue résignée à l’amour qu’on lui portait, traversant lentement le territoire américain en voiture avant de fuir avec un « sauveur » organisateur de parties fines. Ou un Baptiste Giabiconi en blouson de cuir chevauchant une Harley (Kinda Outta Luck). On pense souvent à Bonnie/Brigitte Bardot ou Faye Dunaway et à quelques obscurs films de nos propres souvenirs.

Cette image d’une Amérique fatiguée et triste d’elle-même que Lana murmure n’est pourtant pas si vide que cela. Il y a ce film, Detachment, qui semble y faire doucement écho dans le paysage culturel transi de février. Cette critique planante d’un système où tous consomment sans réfléchir fait l’apologie d’une seule chose, salvatrice : l’imagination. C’est encore ce que Lana Del Rey vend le mieux, loin des mélodies commerciales des « chanteuses » proprettes qui ne s’aventureraient pas à s’épargner le play-back. Il restera aux hipsters, que Lana emmerde dans Radio (Not even they can stop me now / Boy I be flying overhead / Their heavy words can’t bring me down / Boy I’ve been raised from the dead) la musique dodécaphonique, et moi, qui en bonne disciple reyenne leur remboursera en nature le maigre prix qu’ils auront payé l’album, pour peu qu’ils soient beaux, et par dessus tout, dangereux…

2 Comments

  • Buzz l'éclair

    L’album de Lana Del Rey ne m’a pas déçu.
    Ce qui me déçoit c’est toute la promotion qui est faite autour d’elle.
    On la vend comme un vulgaire produit.
    Lana n’est pas à l’aise sur scène, malgré cela son entourage la pousse à monter sur scène.
    C’est cela qu’il faut dénoncer : elle est mal-entourée.
    Un jour elle est à Tokyo, le lendemain à Paris avant de repartir dans l’après-midi à New-York. Imaginez que l’on vous fasse vivre ce genre de chose.
    Elle gagnait à être mystérieuse, cachée derrière son ordinateur à faire ses montages. Mais ce bon temps est terminé. Il faudra s’habituer à ce que les critiques la démontent, alors qu’elle ne le mérite pas.
    Lana est fragile, n’allez pas la briser, ce serait une réelle perte…