Revolver : les plus belles gâchettes de France

Les surdoués français de Revolver sortent un nouveau disque ! La nouvelle est suffisamment réjouissante pour que nous sautions sur l’occasion afin de dresser un bilan non exhaustif des quelques années d’existence du groupe, mais aussi et surtout de ce nouvel opus qui est à la hauteur de nos espérances.

Commençons par le commencement et un constat simple : le trio parisien s’était fait oublier depuis la sortie triomphale de leur premier effort Music for a while qui fut auréolé d’un succès commercial remarquable en ces temps de crise de l’industrie du disque (100 000 exemplaires écoulés) et de critiques globalement unanimes quant à la qualité du groupe. Les membres de Revolver, toutefois jugés trop lisses sur scène, éprouvèrent alors le besoin d’aller faire leurs classes scéniques. Ils sont donc partis faire la tournée de salles intimistes aux Etats-Unis. De cette expérience salvatrice, où ils affrontèrent parfois des parterres d’audience très clairsemés, ils tirèrent un credo évident : laisser aller, d’où le titre de ce second album Let go.

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D’emblée, saluons la production intelligente du disque où se côtoient arrangements électroniques et classiques. L’ombre de la Grande Musique, sans nul doute, plane toujours sur les compositions du groupe et trouve une utilité indéniable mais certains gimmicks sonores proches de l’électro sont aussi présents sur le disque. Ainsi cohabitent à merveille les différentes cordes et synthétiseurs qui habillent certains titres de l’album comme « Let’s get together ». Cette même production évite l’écueil caractéristique de trois quarts des disques français, à savoir la mise en exergue trop accentuée de la ou des voix. Le timbre aérien d’Ambroise Willaume est louable à une époque où beaucoup d’artistes pop ont recours à la force avant de penser à la précision.

Let go c’est aussi le moment d’un récital de références érudites et savoureuses. On reconnaît la mélodicité des Beatles sur un titre comme « My lady I ». « Let go » la chanson démarre comme du Velvet Underground et finit dans une apothéose sonore. « 49 states » convoque irrémédiablement Dylan et Revolver s’est également employé à démontrer une nouvelle fois une passion assumée pour l’art de l’harmonie vocale comme en témoigne « When you’re away ». Passion qu’on les soupçonne d’avoir emprunté à des gens comme Crosby, Still, Nash & Young. L’album bénéficie également de titres très efficaces aux rythmes plus enlevés comme « Brothers », qui atteste de l’envie du groupe d’en découdre sur scène et de faire danser les gens, ou encore comme le tubesque « Wind song » qui sonne comme du Housse de racket mieux éduqué et qui n’a rien à envier à « Get around town », précédent hit du trio. A ces titres jubilatoires, succèdent des ballades pop très réussies avec par exemple les morceaux « Still » ou « The letter ».

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Disons le franchement : cet album a beau se distinguer par son originalité et ses nombreuses qualités intrinsèques, si nous pouvions lui faire un seul et infime reproche ce serait son homogénéité– qui, vous en conviendrez, n’est pas le pire des défauts, loin s’en faut !-, en effet point de climax ou de point d’orgue sonore, pas vraiment de morceau de bravoure qui se détache du reste, on pourrait presque dire que les chansons se valent globalement. Toutefois cette homogénéité n’est pas grand chose tant ce disque est réjouissant à l’heure où la pop française « anglo-saxonnisée » est dominée par les horribles BB Brunes notamment.

Achevons cette éloge, que nous espérons empli de lyrisme transi, par une assertion aussi évidente que le nom du groupe – criant hommage aux biens aimés Beatles – : ces jeunes gens ont su toucher leur cible en plein cœur. Nous le savons, de nombreux groupes de pop furent autant d’étoiles filantes qui traversèrent l’imaginaire musical sans laisser la moindre trace. Revolver n’est pas de ceux là, fort d’une maturité évidente, le groupe a pris le temps de réfléchir avec lucidité et clairvoyance à ce nouvel album. Nous le savons également, il n’est jamais facile de négocier le virage délicat du second album, défi ici relevé haut la main. Allez, encore quelques années de mutisme studieux et on l’espère sincèrement une nouvelle jolie surprise !

Revolver, Let go, EMI Music France.