S’y METtre enfin

Pour sa quatrième présence aux élections syndicales, le MET (Mouvement des Etudiants, créé en 2009) affiche des résolutions, sinon révolutionnaires, locales (sic), pratiques, parfois un peu ambitieuses mais davantage en phase avec les enjeux de l’année qui se profile.

On pourrait reprocher au syndicat sa timidité et son manque de visibilité par rapport à l’UNEF. On pourrait reprocher au MET de ne sortir la tête du terrier que lorsque les élections syndicales se profilent. Dans la profession de foi comme lors du débat inter-syndicats organisé la semaine dernière, P. Bornand, Président et tête de liste pour la prochaine composition du Conseil de Direction, rappelle les avancées orchestrées les années précédentes : ouverture de la Bibliothèque jusqu’à 21h15, rétribution des activités associatives ou syndicales par deux crédits ECTS… On en voudrait donc un peu plus pour l’année à venir, peut-être même de voir un peu plus loin, si ce n’est pas trop demander.

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Quatre parties deux sous-parties

Cette année le programme se veut large et multi-niveaux : entre les revendications propres au 27, les mesures pour les campus délocalisés et les quelques souhaits à échelle internationale, le MET semble voir près et loin à la fois. En lettres d’or, le premier point touche aux « meilleures conditions de vie étudiantes », assez bien étudiées : le wifi en amphi – toujours pratique pour regarder en Boutmy la vidéo de son syndicat préféré ou les photos sur lapeniche.net avec la voix suave de Jean-Marie en arrière-fond sonore – les Vélib’ autour de Sciences Po – pouvoir poser sa bicyclette à 8 heures pétantes pour écouter Jean-François en entier le lundi matin, ça joue à la fin du semestre – et surtout, une bibliothèque ouverte jusqu’à 23h et le dimanche en période d’examens.

Plutôt que de complètement « Réinventer le modèle Sciences Po » comme le veut le deuxième point de sa profession de foi, le MET semble plus exactement vouloir adapter sa vision élargie d’évolutions possibles aux compromis aujourd’hui nécessaires. Un réajustement, en somme. Certaines mesures se veulent conservatrices (au sens propre du terme), comme le gel des frais d’inscription, le maintien du concours avec un oral de langue. D’autres seront davantage innovantes si les engagements sont tenus : parmi elles, la « linéarisation des frais d’inscription pour éviter les effets de seuil » – entendez des tranches moins larges dans les frais d’inscription pour éviter des fossés de coûts d’études entre deux étudiants dont le niveau d’imposition des parents n’est pas si éloigné l’un de l’autre.

Soucieux de préserver le capital-relax de tous, le MET pense à vous, mais vraiment, vraiment à vous : les IP, doux sujet dont de possibles évolutions sont déjà étudiées, pourraient devenir le meilleur moment du semestre si un système de sondage pour adapter l’offre de cours à la demande et une inscription automatique aux cours magistraux pour nous faire gagner du temps dans le feu de l’action, étaient appliquées. Autant la seconde est possible, autant la première est difficilement envisageable à court-terme… le réalisme, le réalisme ! Le MET sera en tout cas attendu sur le terrain des IP, d’autant que l’ambitieux syndicat pourrait également se targuer d’avoir, comme l’UNEF a sa bourse aux livres, orchestré une bourse aux cours, sorte de marché géant pour échanger, si vous le souhaitez, votre atelier artistique de gravure contre celui de percussions africaines. On imagine déjà les IP qui durent trois semaines, bon vent.

Enfin, alors qu’Hervé Crès déplorait au moment de l’invalidation de sa candidature les répercussions que pourraient avoir à l’international une telle perturbation, au moment où le patron de Toshiba demandait à Mme Fioraso quand est-ce que le calme (et un directeur) reviendrait dans nos murs, un syndicat, aux aguets, peaufinait déjà le quatrième point de son programme : réaffirmer l’ambition internationale de Sciences Po. Le MET, oui. Les campus délocalisés, d’abord, devraient être revalorisés : y organiser des sessions d’IELTS, répondre davantage à leurs attentes (Nancy aurait apparemment besoin d’une nouvelle cafet’) … Et de favoriser l’échange inter-campus ou d’envoyer les Parisiens qui ne savent pas placer Dijon sur une carte, que nenni. Revaloriser les campus, nous nous entendons.

Interrogé sur ce point, P. Bornand défend une position résolument ouverte face aux campus délocalisés. Dressant une « carte syndicale » de ces derniers, il affirme que son syndicat s’est récemment rendu à Nancy, Reims et Poitiers, avec en poche un programme spécialement adapté aux campus. « Une initiative que nos camarades de l’UNEF n’ont pas jugé bon de développer, présentant un programme parfois inadapté ». Le syndicat s’en va donc voir les campus, les aide en région, mais dès qu’il s’agit de faire un pas pour nouer des contacts réciproques entre le 27 et les six petits frères, personne n’ose s’y mettre. MET compris.

Jamais deux sans trois

Sur huit sièges au Conseil de Direction et huit en Commission Paritaire l’année, le MET en avait deux dans chaque instance. La « disparition » de la Cé nourrit les espoirs du syndicat de décrocher trois sièges en Commission Paritaire, où seule l’UNEF se présente à ses côtés. Quandt à la composition du Conseil de Direction… Il fait l’objet d’attentes d’autant plus particulières que la candidature d’Etudiants pour Sciences Po sème un peu le flou. A ce sujet, P. Bornand est clair : « Casanova et des membres de l’Administration s’imaginaient avoir le soutien de certains étudiants et notamment élus étudiants, ils ne l’ont pas eu, donc ils ont monté un autre projet ». Les espoirs du MET écartent toute ambigüité : « ce sont les étudiants qui décident, mais au vu de la candidature d’ESP, viser trois sièges est tout à fait légitime », conclut Pierre.

Deuxième force tranquille cette année encore, le MET se stabilise donc, lance quelques pistes à court et à long-terme, savoure son rôle de challenger qui préfère privilégier le « local », pour « être plus proche des étudiants » (l’endroit de la médaille), pour se permettre un peu moins de présence tout au long de l’année, aussi (revers). Le MET se veut indépendant de tout parti politique et de tout intérêt national, pourtant lorsqu’il s’agit de dépasser la traditionnelle opposition gauche-droite/centre dans les différences UNEF-MET, le second sèche : les deux principales oppositions entre les syndicats ? une vision différente du syndicalisme – opposition national-local – et… des idées divergentes pour la bibliothèque. On aimerait du plus solide. Deuxième force oui, syndicat d’opposition, nous attendrons.

Profession de foi

Vidéo de campagne.

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3 questions à Pierre Bornand, Présidence du MET et tête de liste pour le Conseil de Direction

Quelles sont tes attentes cette année avec le MET?

« L’objectif de cette nouvelle année passe d’abord par les élections : puisque nous bénéficions d’un contexte électoral plus favorable, nous espérons obtenir trois sièges dans chacune des instances, le Conseil de Direction et la Commission Paritaire.
A court-terme également, le MET souhaite suivre de près la nouvelle procédure de nomination du Directeur : on ne peut pas laisser à l’UNEF le monopole de la démocratie et de la transparence. Nous allons donc rencontrer les différents candidats, discuter leurs idées et nous verrons si certains défendent une vision de Sciences Po qui correspond à la nôtre. Et ce comme nous l’avons fait lors de la première procédure. Nous allons donc rencontrer à nouveau J-M Blanquer, H. Crès, mais aussi D. Colon, en somme le plus de candidats possibles.
Je rappelle que contrairement à ce que l’UNEF affirme, elle n’est pas le seul syndicat à l’origine de la nouvelle procédure de nomination. Nous n’avons pas rejoint l’UNEF, au contraire, ce qui a fait la force de la demande formulée, c’est le fait que les syndicats se soient rassemblés, que les textes aient été écrits en communs. Mais nous étions également en tête des revendications. Et nous continuerons à l’être. »

Beaucoup d’étudiants ont perçu un front uni UNEF-MET contre ESP. Si tu devais donner 2 différences fondamentales entre vous et l’UNEF, quelles seraient-elles ?

« La première, intrinsèque à nos deux syndicats, est la vision que nous avons du syndicalisme : là où l’UNEF Sciences Po adopte une position nationale sur certains débats et suit une organisation centralisée par rapport au syndicat nationale, le MET Sciences Po défend une vision locale du syndicalisme. Nous considérons que ce n’est pas du ressort du MET de se prononcer sur le mariage gay ».
En second exemple, je donnerai une situation concrète : la bibliothèque. Le MET milite pour des créneaux d’ouverture beaucoup plus larges [jusqu’à 23h et le dimanche en période d’examens]. En effet, il faudrait davantage d’étudiants vacataires et sur ce point l’UNEF considère que recourir à un vacataire étudiant contraint celui-ci sur place à des horaires trop exigeants. Je ne considère pas qu’un poste de vacataire jusqu’à 23h, où l’intéressé peut lui-même étudier, soit si handicapant, là où il est d’une aide indispensable pour les ceux qui resteront jusqu’à cette heure. »

En tant que deuxième force, pourquoi ne pas être plus visible tout au long de l’année, de la même manière que l’UNEF?

« L’UNEF est, à Sciences Po comme au niveau national, le premier syndicat étudiant. Il y a une situation de fait qui leur assure un monopole communicationnel avec lequel nous sommes obligés de composer. Durant la première procédure de nomination, nous envoyions des communiqués à différents destinataires, dont les journalistes. Mais dès qu’il s’agit d’information étudiante à Sciences Po, les journalistes veulent l’UNEF.
C’est aussi une question d’effectif : nous sommes dans une position de challenger car nous ne pouvons pas tenir quotidiennement, voire même plusieurs fois par semaine, une table en Péniche. C’est un fait, on ne peut pas être mis sur un pied d’égalité. C’est certes une autocritique, mais également une motivation : Sciences Po doit changer de cap, et cela passe aussi par les syndicats. La co-gestion UNEF-Descoings n’a pas été une bonne chose. »

4 Comments

  • Beaverette

    Les Rémois sont heureux d’apprendre via La Péniche que le Met « s’est récemment rendu à Reims ». On le cherche toujours.

  • Der Ausländer

    « Il affirme que son syndicat s’est récemment rendu à Nancy, Reims et Poitiers, avec en poche un programme spécialement adapté aux campus. « Une initiative que nos camarades de l’UNEF n’ont pas jugé bon de développer, présentant un programme parfois inadapté »
    Pardon ? En quoi le programme de l’Unef est inadapté aux délocs ? C’est vrai que le Met doit en connaître un rayon sur les délocs (ou en tout cas au moins sur Nancy) sur lesquels il est absent. C’est sympa de sortir de Paris une fois par an pour les élections et tenir une table à Nancy, Dijon ou ailleurs mais à côté il y a l’UNEF qui propose des solutions adaptées (n’en déplaise à M. Bornand) aux délocs pour la simple et bonne raison que l’UNEF est présente sur tous les campus délocalisés. Par ailleurs, l’UNEF a proposé un tract spécial délocs qui, contrairement à celui du Met, proposait des VRAIES revendications réalistes et qui tiennent à coeur aux étudiants.
    Et puis c’est mignon tout plein de proposer de faire une cafet’ (je passe sur le ‘nouvelle’) à Nancy mais vous la feriez où ? Qui parlait de programme incohérent ?
    J’imagine aussi que vous avez proposé la fusion Nancy-Dijon à Dijon puisque vous prenez en compte chaque campus déloc et j’imagine qu’ils ont beaucoup apprécié qu’on leur propose de disparaître.

  • Sconnie

    Rétablissement de quelques vérités que notre ami Pierre Bornand a un peu échorchées :

    – l’UNEF ne présente pas de campagne dans les campus délocalisés : et bien… si, il y a un projet pour les campus délocs, ils en témoigneront. Par ailleurs l’UNEF a des candidat-e-s de tous les campus sur ses listes, et s’est rendue sur chacun d’entre eux dès la rentrée pour informer les étudiants. Rapprocher les campus entre eux, à l’UNEF, on ne fait pas qu’en parler.

    – le Mét se veut indépendant de tout parti politique : une des composantes du Mét est l’UNI, syndicat de droite, financé par l’UMP. Le Mét est donc en partie financé par l’UMP. Par ailleurs, Pierre est, lui responsable à Sciences Po de l’UDI et vice-président des jeunes UDI au niveau national. Aucun responsable de l’UNEF n’a de responsabilités dans un parti politique quelconque, est l’UNEF vit uniquement du financement public et des cotisations des adhérents.

    – le Mét c’est local, l’UNEF c’est national : il faudra me dire quels sont les éléments nationaux dans le projet que l’UNEF dépose pour ces élections. Par ailleurs, le Mét est un syndicat national également, qui a des élus notamment au CNESER, où ils votent toujours dans le même sens, et c’est plutôt carrément à droite.

    – sur les différences Mét/UNEF : lol pour la bibliothèque ; moi je dirai plutôt que le Mét ne fait pas de la démocratisation de Sciences Po un objectif, qu’ils votent toujours pour l’augmentation des frais d’inscription, et qu’on ne les voit jamais hors des élections syndicales, comme cela est souligné par l’auteur.

    – enfin, sur la « co-gestion UNEF-Descoings » (c’est bien bas, Pierre, je pense que tu peux faire mieux) : c’est quand même drôle de voir d’une part le Mét dire que l’UNEF est toujours dans l’opposition automatique et après parler de cogestion. Il y a une légère contradiction, non ?