Bribes d’un voyage en Israël et Palestine

Cet article porte sur le quotidien des Palestiniens en Cisjordanie et à Jérusalem. Il ne prétend pas à être exhaustif. Il ne recouvre pas la totalité du voyage des étudiants qui l’ont écrit, qui sont aussi passés en territoire israélien. Cet article n’engage pas la rédaction de La Péniche.

Cinq semaines en Palestine et en Israël : une expérience inoubliable. Nous étions quatre étudiants parisiens, à Sciences Po et en droit à la Sorbonne, partis grâce à l’association FFIPP (Educational Network for Human Rights in Israël/Palestine). Nous voulions entendre le plus de points de vue possible, tenter de comprendre la situation. Nous sommes revenus avec quelques réponses, après avoir foulé cette terre de conflit, mais surtout avec encore plus de questions .

 

Jérusalem, une mosaïque

Ce qui impressionne lors de l’arrivée à Jérusalem, c’est la chaleur. Elle oblige à se terrer dans les ruelles étroites de la vieille ville ou à s’abriter dans des petites échoppes pour boire un café aux odeurs de cardamome. Les premiers jours, simples touristes, nous déambulons dans les rues, visitant musées et monuments. Une impression étrange nous accompagne : celle de ne pas comprendre ce qui se déroule sous nos yeux. Des militaires israéliens armés de M16 et d’autres armes automatiques sont postés dans les rues. En face d’eux, des enfants jouent « à la guerre », avec des pistolets à billes.

Le groupe d’étudiants partis avec FFIPP pendant l’été 2015, à Naplouse. © Ludovico Marinelli

Jérusalem, ce sont aussi des maisons de colons construites par dessus des maisons palestiniennes dans le quartier arabe de la vieille ville. La ville est scindée, est-ouest, par les styles architecturaux et les niveaux de richesse.

Jérusalem est une ville où Palestiniens et Israéliens sont censés co-habiter. En réalité, le mot ne semble pas approprié. Les Palestiniens ne sont que de simples résidents dans cette ville, ils sont dépourvus de passeport, et leur statut se voit révoqué s’ils quittent trop longtemps leur maison.

Les Palestiniens de Cisjordanie n’ont pas de droit d’accès à Jérusalem. C’est ainsi qu’un Palestinien rencontré à Abu Dis, de l’autre côté du mur, nous montrera fièrement une photo prise il y a quelques années devant la Mosquée Al-Asqa, le troisième lieu saint de l’islam, à Jérusalem. C’était la première fois depuis la construction du mur qu’il avait obtenu l’autorisation de s’y rendre pour prier pendant le Ramadan. D’Abu Dis on voit Jérusalem, mais on n’y accède pas, sauf autorisation spéciale.

 

La Cisjordanie, en première ligne

Pour se rendre de l’autre côté de ce mur en béton orné de barbelés, il faut passer les check-points, rappel incessant de l’occupation. C’est ainsi que la situation est définie selon le droit international. Une occupation, dont les conséquences impactent directement la vie quotidienne des Palestiniens en Cisjordanie. Obtention quasi impossible d’un permis de construire, accès à l’eau et à l’électricité restreints, construction de colonies israéliennes sur des terres qui ne leur appartiennent pas selon les frontières établies en 1967.

Des allées de Hébron, où un grillage sépare la rue marchande arabe et les étages, où habitent les colons israéliens. © Ludovico Marinelli

Ce sont aussi des démolitions, des villages entiers sous la menace de la destruction pour cause d’un plan de déplacement de population — dont la communauté de Susiya, prochain village en passe d’être démoli selon ce plan, est la voix internationale. Ce sont des checks-points, des routes que les Palestiniens ne peuvent pas toujours emprunter. Ce sont des camps de réfugiés — tel Jénine où la flamme du Freedom Theater brule toujours — aux murs criblés d’impacts de balles et les photos-montages de martyrs, nous rappelant les phases de conflit ouvert qui jalonnent l’Histoire des soixante-dix dernières années.

L’entrée de Susiya, un village palestinien sur le point d’être rasé. © Ludovico Marinelli

L’eau. Un autre problème qui se matérialise par les cuves noires, les tanks, qui agrémentent les toits des maisons et immeubles de Cisjordanie. L’accès à l’eau n’est pas automatique. Il n’est pas constant non plus. Tous achètent l’or bleu à des compagnies israéliennes, parfois à des prix jusqu’à quatre fois plus élevés que ceux proposés aux Israéliens. Dans la Vallée du Jourdain, la situation nous a sauté aux yeux. Le représentant de l’association Jordan Valley Solidarity nous explique que « Certaines familles entendent leau couler dans les canalisations qui passent sous leurs maisons mais ne peuvent sen servir. »

Des citernes d’eau sur des maisons palestiniennes à Naplouse. © Ludovico Marinelli

Et puis nous voyons les nouvelles pompes israéliennes pour extraire l’eau profondément, quand de l’autre côté de la route, creusés il y a des générations par les Palestiniens pour leurs cultures, les canaux sont taris ou presque.

Tout semble être rendu compliqué en Palestine, jusqu’à sortir de sa rue à Hebron, où la ville connaît une division emberlificotée entre les zones H1 et H2, sous contrôle israélien ou palestinien. Ainsi de l’autre côté de la Mosquée/Synagogue, il y a une route coupée en deux par un grillage. À gauche, il y a de l’asphalte, la route est lisse. À droite, le passage est étroit et rendu presque impraticable par les pierres et les détritus qui jonchent le sol. Les Palestiniens ne peuvent emprunter que la voie de droite.

La vie est d’autant plus difficile pour les Palestiniens que certains vous diront vivre sous deux occupations : celle d’Israël et celle de l’Autorité Palestinienne, dont la corruption n’est plus un secret.

 

Écouter, apprendre, témoigner

La situation, compliquée, n’est pas pour autant incompréhensible. Et alors que nous avons ressenti certains jours un sentiment de découragement, un jour que l’une d’entre nous passait le check-point de Qualendia, entre Ramallah et Jérusalem, une vielle dame lui a dit, d’un signe de tête, de se redresser et de ne pas se plier face à ces barbelés et ces murs de béton. Une pensée est forte en Palestine, et chez beaucoup d’Israéliens aussi : les choses peuvent saméliorer.

L’association FFIPP n’est pas partisane. Elle ne situe ni d’un côté ni de l’autre. Elle se place sur la ligne du droit international. Son objectif est de faire comprendre que la complexité de cette situation découle, entre autres, de la diversité des acteurs et des revendications. Sa compréhension par les étudiants internationaux est primordiale pour dépasser le seul débat passionnel. C’est pourquoi, chaque année, l’association envoie une trentaine d’étudiants venus de toute l’Europe pendant cinq semaines en Israël et en Palestine, afin qu’ils saisissent au mieux le spectre des possibles.