Existe-t-il une science de la transe ?

Est-il possible de retrouver vos clés en entrant en « transe chamanique » ? C’est en partie ce que la dernière conférence de Welcome Om tentait d’élucider, le 3 février dernier dans l’amphi Albert Sorel.

Welcome Om, l’association de spiritualité orientale

Créée et reconnue en septembre 2015, l’association Welcome Om est essentiellement composée d’élèves de quatrième année revenus d’une 3A en Inde ou en Thaïlande. Ils sont une dizaine à avoir répondu à l’appel de leur président Nicolas Pintea. Leur objectif est aujourd’hui d’initier les sciences-pistes à la culture et à la spiritualité orientales pour enrichir et compléter une formation très occidentale. « L’idée est de présenter d’autres façons de considérer sa réalité afin que chacun puisse y trouver des éléments de réflexion pour nourrir la sienne »explique Nicolas. La Péniche a tenté de comprendre certains secrets du mysticisme à l’occasion de leur dernier rendez-vous sur le thème Transe chamanique et Neurosciences.

Reportrice à la BBC, écrivaine, et chamane…

La conférence est présentée par Corinne Sombrun, réalisatrice de reportage pour la BBC. Elle est accessoirement écrivaine…et chamane. Elle entame sa conférence par une question simple : comment retrouver ses clefs ? Si vous êtes un individu lambda de notre société occidentale, au comportement supposé rationnel, vous commencez à chercher. Puis vous pouvez probablement vous énerver contre le moindre objet qui vous tombe sous la main. A l’inverse, un chaman de profession est « simplement » en mesure d’entrer en transe, de s’adresser aux esprits et de récupérer le sésame.

Dans la société mongole comme d’autres, le chaman a avant tout une fonction précise dans la société. On vient le voir pour obtenir des réponses ou simplement des conseils. Aussi, être chaman n’est pas une chance, ni un honneur, simplement une charge qu’il ne vaut mieux pas refuser sous peine de voir sa vie partir en lambeau. Ni génétique ni élitique, on compte environ dix chamanes par million d’habitants en Mongolie ce qui fait tout de même du chaman un être exceptionnel.

Certains peuvent sourire… Pourtant, la croyance chamanisme ne permettrait pas seulement de retrouver ses clefs. Liée au Bouddhisme, notamment par la foi en la réincarnation, elle implique une philosophie d’équilibre et d’harmonie entre le vivant et le mort.

Les esprits, gardiens de cette harmonie, guideraient les vivants grâce à une sensation particulière : l’intuition. Aussi, lorsque qu’en plein reportage en Mongolie Corinne Sombrun apprend qu’elle a le don de chamanisme, son intuition lui souffle d’accepter ce don. Elle commence sa formation et entame alors 8 ans d’aller-retours entre l’Europe et la Mongolie.

Elle construit d’abord avec son maître son propre tambour – l’instrument traditionnel des chamanes mongols. Les fréquences émises combinées aux rythmes joués au tambour sont déclencheurs de l’état de transe. On lui apprend à reconnaître les esprits, et même à adopter les pouvoirs de certains d’entre eux durant ses transes selon le besoin immédiat. Elle étudie également la divination qu’elle qualifie de « potentielle, préventive », face à laquelle l’interlocuteur peut modifier (ou pas) son comportement futur pour éviter la vision du chamane. Sans se laisser emporter, elle garde son sang-froid et décide d’étudier ses nouvelles capacités.

Quand la science s’en mêle

Après l’enseignement des sages Mongols, Corinne Sombrun va se tourner vers différents scientifiques de renoms, notamment dans le domaine des neurosciences. Si ces derniers qualifient la transe d’« état modifié de conscience », c’est bien sur les capacités de chamanes de leur cobaye qu’ils vont se pencher. Electroencéphalographie de son activité cérébrale, rapport à l’environnement, influence de la transe sur d’autres individus : les nombreux tests et expériences auxquels Corinne va se soumettre vont révéler des résultats inattendus, repoussant les limites de la conscience.

Pierre Etevenon, ancien directeur de recherche et génie des neurosciences, lui propose une première électroencéphalographie de son état de transe devant un parterre de psychiatres et de neurologues. Lorsqu’elle retrouve conscience, le diagnostic est incertain. Dédoublement de personnalité, problème de personnalité multiple ou simple tumeur au cerveau ? Si le chercheur est catégorique quant à la dangerosité d’un tel état, il s’interroge également sur sa véritable nature.

Les modifications apportées à l’activité cérébrale en état de transe sont importantes. Augmentation de la quantité de données traitées, capacités cognitives modifiées, changement du rapport au temps. C’est une porte vers un état de conscience. Le cerveau agirait comme un filtre qui ne transmettrait à la conscience que le peu d’informations utiles. La transe permettrait l’augmentation du débit d’information passant par la conscience et provoquant ainsi une sorte d’état « d’éveil total ». Bref, l’exact opposé du brumeux souvenir du lundi matin pour les anciens.

Evidemment, certains peuvent rester sceptiques devant la nature de telles expériences, ou bien devant l’histoire assez atypique de notre intervenante. D’aucuns se demanderont si ces recherches aboutissent à un quelconque résultat ou encore si la transe n’est pas une façon plus rentable d’entrer en état d’ébriété. Un simple article ne suffit pas à décrire la stupéfaction ressentie durant cette conférence. Alors, simples curieux ou futurs chamans, votre intuition devrait vous suggérer d’aller jeter un œil au prochain événement de Welcome Om…