Portrait de Paul Antoine de Carville, vainqueur flamboyant du Prix Philippe Séguin

Paul-Antoine de Carville pendant la finale du Prix Philippe Séguin 2015. © Capucine Personnic et Maximilien Bouchet
Paul-Antoine de Carville pendant la finale du Prix Philippe Séguin 2015. © Capucine Personnic et Maximilien Bouchet

Il vous a étonné, impressionné, décontenancé. Vous avez bu ses paroles, regardé avec attention ses moindres gestes, sa posture si particulière et admiré sa répartie. Il vous a fait rire, entre humour et provocation, vous a secoué, vous a fait réfléchir et aimer l’art oratoire. Bref, aucun sciencepiste n’a pu passer à côté de son show époustouflant donné en Boutmy, le 15 avril dernier, lors de la finale du Prix Philippe Seguin qu’il a remportée de manière incontestable. 

Le véritable talent pour l’art oratoire de Paul Antoine de Carville se révèle d’autant plus lorsqu’on le rencontre en face : calme et réfléchi, avec un petit air malicieux, faisant passer naturellement l’humilité avant l’arrogance. Il sait lui-même, ce que sa victoire doit à son travail et sa persévérance et non pas à de simples coups de chance.

S’il a tenté deux fois le PPS quand il était au collège universitaire, sans jamais dépasser les sélections, il s’est tout de même laissé tenter devant cette nouvelle et dernière occasion. Et ce n’est pas sans difficulté et appréhension qu’il a abordé la finale de ce prix si prestigieux : il redoutait particulièrement  la journaliste Nathalie Saint-Cricq, mais aussi la concurrence des autres candidats qu’il trouvait « tous très talentueux » et surtout faisant partie d’une jeunesse « qui fait peur car elle n’a pas peur et donne tout ».

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Mais prononcer son discours devant 600 personnes et un jury exigeant n’a pas constitué la seule barrière à surmonter pour cet étudiant en cinquième année, adjoint au maire UMP de Sens, en Bourgogne. La rédaction de son discours a en effet constitué un « grand moment d’angoisse ».

Un moment compliqué, car, contrairement à son discours de sélection et de demis, il a d’abord voulu faire « quelque chose de très sérieux, très structuré et beaucoup plus intellectuel et lyrique ». Mais, lundi soir, la panique le prend : « je ne pouvais pas faire quelque chose qui ne me ressemblait pas ». La préparation de la finale a donc posé un vrai dilemme à Paul-Antoine : « entre rentrer dans le moule Sciences Po ou être moi-même, j’ai longuement hésité ». Et, vous savez tous quelle option il a préférée…

Son plus beau souvenir reste son discours, –« pas la victoire finalement ».  Il parle en souriant du moment où  il s’est lâché en Boutmy, donnant tout, totalement libre devant 600 personnes : « c’était déjà une victoire, ce qui compte surtout, c’est la prestation et le plaisir qu’on a pris en parlant». Il est donc d’abord venu avec « l’envie de rire des autres, de moi, de me remettre en cause dans le discours et de rendre un peu de tout ce que j’avais envie de rendre avant de quitter Sciences Po » .Le discours était surtout là pour faire passer un message et pas pour plaire au jury.

Paul-Antoine de Carville pendant la finale du Prix Philippe Séguin 2015. © Capucine Personnic et Maximilien Bouchet
Paul-Antoine de Carville pendant la finale du Prix Philippe Séguin 2015. © Capucine Personnic et Maximilien Bouchet

Enfin, si comme beaucoup, vous vous êtes posés la question de sa botte secrète, ce n’est selon lui pas la posture mais plutôt la passion. Son engagement précoce en politique lui a appris que la parole n’était pas qu’une façon de « faire le show » mais surtout « un moyen de persuasion au niveau local pour faire passer des choses qui font sens ».

L’adjoint au maire de Sens précise que le fait d’avoir été sur le terrain, plus près des gens et des choses, lui a permis de donner du contenu à la forme. C’est aussi l’avis de Bertrand Périer, le pape de l’éloquence sciencepiste, pour qui le plaisir qu’a Paul-Antoine à parler vient sans doute de « l’expérience que confèrent les campagnes électorales qu’il a menées ». En « vrai tribun d’estrade, Paul-Antoine à une capacité hors du commun à assumer jusqu’au bout le personnage qu’il s’est créé, celui de l’aristocrate réactionnaire. Sans doute parce que ce personnage est moins une invention qu’une caricature de lui-même …  » ajoute-t-il. 

« Paul-Antoine est un vrai tribun d’estrade, il une capacité hors du commun à assumer jusqu’au bout le personnage qu’il s’est créé, celui de l’aristocrate réactionnaire. Sans doute parce que ce personnage est moins une invention qu’une caricature de lui-même … » Bertrand Périer

Si, en revenant sur sa scolarité au collège universitaire, il se définit lui-même comme étant un « petit con », il sait gré à Sciences Po de l’avoir fait grandir  par des rencontres particulières et grâce à sa 3A au Moyen-Orient qui l’a « beaucoup fait mûrir ».

Une institution qui, selon lui, apporte la passion : « la passion pour ce que je ne connaissais pas, pour ce qui était totalement étranger, celle d’aller à la rencontre de ce qui est différent ».  Il insiste sur le fait que les élèves doivent jouer le jeu et s’investir, que ce soit dans leurs cours ou dans la vie politique : « passionnez vous pour vos exposés et pour l’effervescence politique de Sciences Po : il faut que les élèves fassent de la politique, s’engagent et se battent dans les couloirs ».

Voir le discours de Paul Antoine de Carville à partir de 01″06″26

La politique est en effet le fil directeur de sa scolarité : cela commence par les mots de Richard Descoings lors de sa rentrée universitaire « les élèves doivent faire de la politique » et se reflète dans son souvenir le plus marquant au 27 rue St Guillaume, « un affrontement en Péniche entre l’UNEF et l’UNI, formant des chaînes humaines et chantant la Marseillaise (UNI) et l’Internationale (UNEF) au cours d’un débat sur l’identité nationale ».  

Ce passionné de politique fait de l’humour et de l’humilité ses plus grandes armes. En effet, l’humour permet selon lui « d’amener un peu de légèreté  en politique, là où les sujets sont parfois difficiles ». Quand on lui demande où il se situait par rapport à ceux qu’il moque, il répond spontanément : « en dessous ».  

Se moquer des autres revient surtout à se moquer de lui-même, de cette génération dont il fait partie, cette génération de l’instantané  qui selon lui a « besoin de revenir à l’essentiel : réapprendre à écouter, à lire, à penser ». Il indique lui-même qu’il faut « toujours rester à l’écoute des critiques et savoir d’où l’on vient ».

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Paul-Antoine de Carville pendant la finale du Prix Philippe Séguin 2015. © Capucine Personnic et Maximilien Bouchet

Qu’envisage-t-il pour son futur proche ?  En plus de ses fonctions d’élu qui l’occupent quotidiennement, il lance aujourd’hui son site www.plantedesgraines.fr dont il nous livre tendrement la genèse. C’est le message d’une amie, fin août, composé d’une photo d’une petite tomate qui avait poussé toute seule sur son balcon qui a été un déclic. Passionné par cette petite tige verte qui fut « comme une révélation »,  il nourrit en profitant de la pluridisciplinarité des relations qu’il entretient à Sciences Po, cette petite graine qui mûrit dans sa tête. Aujourd’hui, vous pouvez aller sur sa boutique en ligne, réalisée avec l’aide d’une illustratrice, d’une journaliste et d’une Master en marketing, et vous procurer un de ses deux kits ou envoyer des graines à vos amis.  

Pour ce qui est de l’éloquence, elle est pour lui « physique » et « quasiment charnelle ». C’est d’ailleurs de ce rapport physique qu’il tient sa posture « j’ai besoin de me sentir tout proche d’eux, de tenir, de sentir le public et de contrôler l’espace ». Pour lui, il faut se mettre en danger : « l’éloquence, ce n’est pas juste prendre des mots et les aligner dans de belles phrases : il faut penser ton art oratoire, créer cet équilibre, s’impliquer dans ses discours et les vivre physiquement ».

Bertrand Périer confirme amplement cette vision de l’éloquence : « la victoire de Paul-Antoine me semble tout à fait incontestable. (…) Il y a chez lui un évident bonheur de parler. Il ne manifeste aucune appréhension ». De bons conseils pour qui tentera cette aventure dans un an…

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3 Comments

  • Moi je

    Il faudra m’expliquer comment on peut avoir peur de Nathalie Saint-Cricq. J’hésite. Est-ce ses questions tellement impertinentes sur la couleur de la cravate d’Emmanuel Macron ou celle sur la femme d’Alain Juppé qui ont tant effrayé la France d’en haut que représente si bien le grand gagnant?